Tel un réel météore traversant notre stratosphère, le 5e film de François Delisle n’est pas passé inaperçu. À toute vitesse, cet amas de fragments cinématographiques a illuminé les yeux de ceux et celles qui l’ont croisés sur grand écran (prix Luc Perrault/LA PRESSE 2013 du meilleur film québécois selon les critiques de l’AQCC) et remplis leurs oreilles d’une bande son riche et créative. Une œuvre dense et poétique qui tient ensemble grâce à un noyau central fort, utilisant le grand écran comme une toile vierge d’où émane beaucoup plus qu’une simple lumière.
Car derrière les monologues de quatre personnages orbitant autour d’un cinquième, le prisonnier purgeant sa peine, il y a un ardant cri d’amour au cinéma, de l’art en mouvement dans presque tous les plans, un réalisateur qui semble enfin libre de créer comme il le souhaitait vraiment. LE MÉTÉORE est si unique que tous les témoignages de ceux qui l’auront vu seront différents, chacun ayant vécu cette expérience sensorielle à sa façon.
S’il n’y a pas d’interaction entre les personnages, il en existe plusieurs entre les suites d’images qui se répondent, entre les soliloques qui finissent par raconter une histoire commune. Il y a justement cette séquence où le personnage de Pierre relate sa première journée dans sa cellule et à ce moment nous voyons un éclat de lumière blanche devenir le plafond d’un tunnel où les néons deviennent les perforations d’une pellicule qui défile sous nos yeux. Et quelques instants plus tard, c’est tout le mécanisme d’un projecteur qui est illustré par la machinerie d’où sortent les pierres d’une mine.
Et quelle belle idée de dissocier le physique des acteurs des voix qui les représentent. Cela permet à la fois de se concentrer davantage sur la texture des tons de chaque narrateur et d’être à l’écoute du non verbal souvent bavard de chaque protagoniste. Il faut aussi porter une attention particulière à tout le travail sonore, une harmonieuse trame composée de nombreuses couches qui habillent ces récits intérieurs.
À la limite, tant qu’à prendre autant de risques, François Delisle aurait pu ponctuer son film de quelques silences supplémentaires et faire respirer encore plus quelques plans dont le montage parfois trop prononcé leurs tranchaient les ailes en pleine envolée.
Au final, nous avons droit à du cinéma audacieux, qui ose explorer des trajectoires nouvelles dans notre jeune cinématographie. De RUTH à 2 FOIS UNE FEMME, il aura fallu tout ce chemin pour que François Delisle nous dévoile les multiples facettes de son talent avec LE MÉTÉORE. Comme si auparavant il s’était toujours retenu dans un carcan narratif qui ne lui convenait pas complètement. Après tant de liberté, il y a eu le magnifique CHORUS, poursuivant dans une autre direction sa comète. Mais pour les prochains films à venir, pourra-t-il simplement revenir en orbite ou au contraire il partira découvrir de nouvelles frontières?