SANS FIN, la vie après la mort

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Avec SANS FIN, Krzysztof Kieślowski termine un cycle et en débute un nouveau à la fois. Juste avant d’entamer son ambitieux projet LE DÉCALOGUE, il propose son œuvre la plus explicitement politique, s’en prenant à la loi martiale décrétée par le général Jaruzelski en 1981, et il continue d’explorer les possibilités de la fiction, s’éloignant plus que jamais de son approche documentaire de ses débuts.

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ET DIEU…CRÉA LA FEMME, le chemin parcouru

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Il y a des œuvres cinématographiques dont les effets qu’ils ont provoqués transcendent leurs images et l’histoire qu’elles racontent. C’est le cas d’ET DIEU…CRÉA LA FEMME de Roger Vadim, mettant en vedette Brigitte Bardot, jugé alors comme un film sulfureux aux mœurs légères. Sensuelle et épris de liberté, Bardot joue une jeune femme orpheline, Juliette, qui rêve simplement de profiter de la vie et d’être heureuse. En 1956, ce premier long métrage de Vadim lancera le mythe de sa femme aux initiales célèbres, B.B., tout en pressentant la libération sexuelle à venir qui sera confirmé environ 10 ans plus tard en France par la légalisation de la pilule.

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CAMION, prendre son temps

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Si certains réalisateurs obtiennent beaucoup d’attention dès leur premier film, d’autres développent tranquillement leur art. Comme des artisans, ils peaufinent leur technique en tournant le plus souvent possible, souvent avec des moyens réduits (LE CÈDRE PENCHÉ, DERRIÈRE MOI et NEW DENMARK), sachant que la route vers la reconnaissance est parfois longue et sinueuse. C’est avec son quatrième long métrage que Rafaël Ouellet a montré aux yeux du monde tout son savoir-faire, son CAMION est une œuvre mature, forte et pleine de lumière. Les prix de la mise en scène et œcuménique au Festival de Karlovy Vary en 2012 l’ont confirmés.

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AWAY FROM HER, la maturité du regard

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Complice de nombreux cinéastes canadiens pendant les années 90, David Cronenberg (eXistenZ), Don McKellar (LAST NIGHT) et particulièrement Atom Egoyan pour lequel elle a rayonné dans THE SWEET HEREAFTER, l’actrice Sarah Polley est passée naturellement derrière la caméra où elle a écrit et réalisé AWAY FROM HER, prix Claude-Jutra en 2006.

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CARCASSES, collision frontale entre le réel et la fiction

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Denis Côté l’a souvent affirmé, CARCASSES est son film préféré parmi toutes ses réalisations. Son 4e long métrage est arrivé tout de suite après ELLE VEUT LE CHAOS, œuvre que le cinéaste voulait plus grand public mais qui en a laissé plusieurs dubitatifs. En grande partie en réaction, mais aussi par amour du cinéma, Côté propose alors un véritable ovni cinématographique, dans lequel la fiction happe le réel sans trop crier gare.

CARCASSES c’est avant tout un lieu, un immense cimetière à aire ouverte de bagnoles qui agonisent au soleil. Sans pouvoir nous situer au cœur de ce décor aux allures post-apocalyptiques, nous y découvrons Jean-Paul Colmor toujours occupé à démembrer ses carrosseries tel un docteur Frankenstein. Le vieil homme vif et efficace semble être prisonnier de sa propre ambition, cette idée folle de tout vouloir conserver, comme s’il savait l’arrivée d’un drame prochain que nous ignorons encore. Mais plutôt que de nous faire un portrait humain et chaleureux de ce charmant monsieur atypique, Côté explore davantage l’univers dans lequel il évolue pour mieux en cerner sa singularité.

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ESSENTIAL KILLING, homme traqué

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Dès les premières images d’ESSENTIAL KILLING, nous pourrions nous croire dans le parc de Death Valley en Californie ou dans le Bonneville Salt Flats de l’Utah, deux principaux lieux de tournage du GERRY de Gus Van Sant. Nous sommes plutôt dans un désert fictif rappelant l’Afghanistan où trois militaires se font surprendre par un taliban embusqué, qui dès lors doit survivre tel un animal dont on suit toujours sa trace. Le réalisateur polonais Jerzy Skolimowski a tourné la première partie de son film dans un désert de craie en Israël, non loin de la mer Morte. Et son homme traqué, c’est l’américain Vincent Gallo dans un rôle physique et pratiquement muet.

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Les rendez-vous de Leos Carax

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Comment choisir le meilleur film français du nouveau siècle? Exercice périlleux pour un critique lorsque tant de créateurs nous donnent des rendez-vous dans l’obscurité, nous présentant leur histoire, leurs nombreux personnages, leur vision d’un monde qui plus que jamais hésite entre le réel et la fiction, fiction souvent dépassée par les événements du quotidien. Car depuis le début du 21e siècle, la réalité semble vouloir tuer l’imaginaire, la restreindre à des idées qui nous empêchent de rêver, qui permettent seulement de nous évader le temps d’une vue et d’en ressortir trop souvent déçu par ce manque flagrant de créativité, d’idées nouvelles. En 2012, un réalisateur plus que tout autre a compris que le cinéma demeure avant tout le plus beau des songes éveillés. Et le sien, HOLY MOTORS, nous a à la fois éblouis, bouleversés et choqués. Merci de ce bel objet cinématographique Leos Carax.

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Les états nordiques, explorer le territoire

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Revenir aujourd’hui sur les traces du premier long métrage du prolifique réalisateur Denis Côté, LES ÉTATS NORDIQUES, c’est trouver des nouvelles pistes de lecture qui nous échappaient alors. C’est que le cinéaste a défriché tellement de territoire dans son imaginaire depuis 2005, qu’il est désormais possible de comprendre davantage son point d’origine.

Il est fascinant de revisiter ce film artisanal construit surtout avec une volonté de faire du cinéma. Ce n’est sûrement pas un hasard que le tout commence avec une suite de plans dans lesquels nous voyons les réactions de spectateurs (réactions provoquées avec lesquelles il s’amuse encore maintenant). Si nous pensons au début qu’ils sont face à un écran de cinéma à cause de la réflexion d’une lumière diffuse sur leur visage, l’ampleur de leur enthousiasme collectif les trahit, et la scène de lutte qui apparaît vient confirmer nos doutes. Cet hommage instinctif au film LA LUTTE, œuvre phare du cinéma direct, propulse ce récit qui fera la part belle au documentaire.

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LE SILENCE DE LA MER, film miracle

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Avec tous les obstacles qu’ils ont dû affronter et les embûches qu’ils ont su déjouer, certains films sont de véritables miracles. LE SILENCE DE LA MER de Jean-Pierre Melville est l’un d’eux.

Si le nom de Melville est surtout associé à un certain renouveau du film policier (LE DOULOS, LE DEUXIÈME SOUFFLE, LE SAMOURAÏ), genre qu’il marquera au point d’influencer de nombreux cinéastes des générations suivantes (les frères Coen, Quentin Tarantino), c’est dans ce premier long métrage que l’on découvre la signature forte et très maniéré du réalisateur. C’est aussi, sans le savoir encore, l’illustration d’un thème qui le marquera, celui de l’occupation (revisité aussi dans LÉON MORIN, PRÊTRE et L’ARMÉE DES OMBRES).

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LA CICATRICE, déconstruire le réel

«J’ai commencé par le documentaire. Je l’ai abandonné car tout réalisateur de document finit par percevoir les limites à ne pas transgresser, celles au-delà desquelles on risque de faire du tort à ceux qu’on filme. C’est alors qu’on ressent le besoin de faire des longs métrages.» Krzysztof Kieślowski

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Quel bonheur de revenir aux sources de l’un des plus fascinants réalisateurs du dernier quart du 20e siècle, le polonais Krzysztof Kieślowski. Il y a dans son premier long métrage de fiction LA CICATRICE, plusieurs éléments qui nourriront ses œuvres marquantes, particulièrement son colossal LE DÉCALOGUE : le devoir moral de ses personnages principaux, l’importance du hasard dans la vie des gens, la mince démarcation entre le bien et le mal et le poids des structures du système communiste polonais.

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