AWAY FROM HER, la maturité du regard

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Complice de nombreux cinéastes canadiens pendant les années 90, David Cronenberg (eXistenZ), Don McKellar (LAST NIGHT) et particulièrement Atom Egoyan pour lequel elle a rayonné dans THE SWEET HEREAFTER, l’actrice Sarah Polley est passée naturellement derrière la caméra où elle a écrit et réalisé AWAY FROM HER, prix Claude-Jutra en 2006.

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Ce qui surprend au premier abord, c’est qu’une femme dans la mi-vingtaine est choisie le thème de la maladie Alzheimer comme sujet pour son premier film. Mais comme elle l’a prouvé en tant que comédienne en privilégiant des rôles souvent remplis d’une grande humanité, Polley s’intéresse avant tout à ce qui nous définit en tant qu’être et non ce que nous projetons comme image.

Mariés depuis plus d’une quarantaine d’années, Fiona et Grant ont traversé bien des épreuves. Mais la maladie de sa femme mettra à rude épreuve ce qu’ils prenaient pour acquis, leur amour. Si cette histoire rejoint celle plus récente du film palmé et Oscarisé de Michael Haneke AMOUR, c’est du côté de l’Islande d’où nous est venu VOLCANO, d’un autre réalisateur débutant Rúnar Rúnarsson, que l’écho est la plus évidente. Deux jeunes metteurs en scène qui pose un regard d’une grande maturité sur leurs aînés, sans jugement et sans misérabilisme.

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Abordant principalement le point de vue de l’homme bienveillant qui tente de s’accrocher à une vision idéalisée et nostalgique de sa femme, pendant que la condition de celle-ci se détériore sous ses yeux, AWAY FROM HER propose un canevas pratiquement dénué de tout artifice de mise en scène pour faire place au talent de ses deux principaux interprètes, Julie Christie et Gordon Pinsent. Ces deux vétérans composent ensemble un duo de personnages touchants qui réussissent à nous confronter à notre propre vieillesse et à nous questionner sur ce que nous ferions si nous nous trouvions dans leur situation.

Ils le font si bien que Christie et Pinsent ont remporté de nombreux prix d’interprétation en 2012 tant au Canada (chacun un Genie) qu’aux États-Unis  (Christie un Golden Globes, en plus d’une nomination aux Oscars comme meilleure actrice). N’oublions surtout pas aussi que Sarah Polley, alors âgée de seulement 27 ans, a aussi été nommé à la prestigieuse cérémonie hollywoodienne pour la qualité et la finesse de l’écriture de son scénario adapté de la nouvelle THE BEAR CAME OVER THE MOUNTAIN de la canadienne-anglaise Alice Munro, prix Nobel de littérature en 2013.

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Dans ce qui deviendra la fondation de son œuvre, Sarah Polley installe dans AWAY FROM HER un savoir-faire, que certains prennent des décennies à affiner, qui culminera avec son surprenant documentaire STORIES WE TELL en 2012. Si elle a pu tourner la caméra aussi habillement vers sa propre famille récemment, l’actrice-réalisatrice révélée dans THE ADVENTURES OF BARON MÜNCHAUSEN du britannico-américain Terry Gilliam, a affuté son regard en s’intéressant aux autres, en se décalant d’un certain réel.

AWAY FROM HER est la promesse d’une jeune femme qui s’intéresse à ses semblables, qui prend le temps de mesurer le poids d’un silence, la portée d’un regard échangé, la fragilité d’une vie partagée. Sarah Polley a ce don plutôt rare d’émouvoir sans chercher à faire pleurer, de toucher le cœur sans pour autant sortir les violons. Il sera passionnant de suivre son parcours comme réalisatrice, au même titre que d’autres actrices célèbres, dont la norvégienne Liv Ullmann auquel elle peut faire penser, qui ont voulu explorer leur propre point de vue sur les femmes et les hommes qui les entourent, à notre plus grand bonheur de spectateur.

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