MIDSOMMAR d’Ari Aster ⭐⭐1/2
Après le grand bruit d’HEREDITARY, son premier film maîtrisé et à la fois dilué dans d’interminables longueurs, le talentueux Ari Aster nous revient avec l’intrigant MIDSOMMAR. Alléchante prémisse que cette escapade entre amis dans une communauté suédoise aux traditions folkloriques pour le moins…singulières.
L’action débute en hiver aux États-Unis, où le cinéaste prend le temps (judicieusement) d’installer une dynamique de couple unidirectionnelle, importante pour le reste du récit, et l’environnement dans lequel elle se déploie, soit au sein d’un quatuor de jeunes hommes universitaires, aussi préoccupés par leur mémoire de maîtrise que par les femmes qu’ils vont rencontrer durant leurs vacances européennes.
Une fois arrivé dans ce village au pays des contes et légendes, ce qui frappe c’est l’abondance de lumière et la blondeur/blancheur des cheveux des femmes et des hommes qui composent ce groupe séculaire. Contrairement aux personnages de Dani, Christian, Josh et Mark, nous nous doutons bien que ces gens souriants et vêtus de blanc cachent, tout comme leur ami Pelle instigateur de ce séjour parmi les siens, des activités défiants les lois et la morale. Mais un film d’horreur sous un soleil ardant, est-ce possible?
Et rapidement (beaucoup trop), quelques uns du groupe d’américains sont confrontés à une cérémonie d’une immense violence, de quoi faire fuir n’importe quel être sensé, même s’il est curieux des autres, voire en pleine rédaction de son mémoire sur un sujet similaire. Dès lors, toute la construction psychologique qu’Ari Aster avait si bien développé dans la première demi-heure fout le camp, attaquant les règles de la logique. Le reste du film part dans toutes les directions, mêlant maladroitement des délires éthyliques et des rituels qui auraient mérités plus d’encadrement narratif. C’est là qu’un regard externe au niveau de l’écriture du scénario aurait été grandement bénéfique, car Aster a un indéniable talent brut pour créer des univers, des climats malsains et surtout pour les illustrer.
C’est vraiment dommage, car MIDSOMMAR est encore une fois une pure merveille visuelle , avec un souci du détail minutieux (direction artistique riche et inspirée, particulièrement dans les nombreuses ornementations et illustrations, en plus des costumes et l’utilisation astucieuse des fleurs), à mi chemin entre le côté ludique d’un Wes Anderson (période MOONRISE KINGDOM) voire même du suédois Roy Andersson (quelques scènes marquantes de son CHANSONS DU DEUXIÈME ÉTAGE) et celui plus cérébral d’un Stanley Kubrick (époque EYES WIDE SHUT). Il y a aussi des échos de M. NIGHT SHYAMALAN (particulièrement THE VILLAGE) , des rêves éveillés d’Alejandro Jodorowsky et de tous ces classiques d’horreur des années 70, où l’occultisme se partageant en groupe semblait s’épanouir. Toutefois, nous sommes bien chez Ari Aster, où le questionnement sur le lien entre la vie et la mort est un inépuisable puit sans fond, duquel peut ressortir les pires cauchemars. Pas facile de vivre son deuil tranquillement chez cet auteur, raison de plus pour qu’il prenne son temps de bien couver ses projets.
Autre qualité chez ce jeune réalisateur, Ari Aster possède un véritable savoir-faire dans la direction de ses acteurs et actrices, allant chercher les forces de chacun d’entre-eux. Une fois de plus, Florence Pugh brille de tous ses rayons dans son personnage de Dani. Découverte en 2016 dans LADY MACBETH de William Oldroyd, oeuvre baroque qu’elle portait sur ses épaules, Pugh explore avec doigté sa Dani, angoissée et meurtrie, dosant efficacement entre la blessure profonde qui l’habite et la peur primaire qui la confronte. Jack Reynor, encore méconnu, sans tire très bien dans la peau inconfortable de Christian, copain tiraillé entre les pleurs de sa douce et les tentations impulsives de ses amis. Dans l’ensemble, un sans faute pour le casting de MIDSOMMAR, des premiers rôles aux nombreux figurants qui ponctuent ce lieu brûlé par le soleil du solstice, il y a un souci de mettre de l’avant les plus crédibles pour nous embarquer dans cette histoire abracadabrante.
Ce qui aurait pu être une puissante réflexion sur le fanatisme et les dangers de s’abandonner à des croyances conservatrices (dans la lignée de la République de Gilead dans l’implicante série THE HANDMAID’S TALE) en cette ère « trumpienne », n’est au final qu’un long crie au loup (2h20 avant le générique). Un film bien représentatif de son époque, où l’attrait de l’emballage coloré et franchement original, fera perdre à de nombreux convertis tout esprit critique.