DUELLES, ne pas être Chabrol

DUELLES d’Olivier Masset-Depasse ⭐1/2

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Le cinéma est un art de l’équilibre, et pour le cinéaste cela exige de savoir doser toutes les composantes de son oeuvre. Pour y arriver convenablement, ce dernier devra réussir à prendre un certain recul sur son travail, et grâce à cette distance, il pourra mesurer si certains éléments sonnent faux, voire même s’ils nuisent à l’évolution du récit. Avec DUELLES, Olivier Masset-Depasse signe un 3e long métrage qui bascule constamment, sans jamais réussir à rendre crédible cette descente en enfer.

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Fort d’un deuxième film intense et efficace (ILLÉGAL, sorti ici en 2011), le réalisateur belge nous revient avec ce thriller psychologique qui oppose deux voisines quasiment sœurs, dont un drame accidentel viendra déclencher une série d’événements digne d’une mauvaise partie de dominos. Dès le départ, il y a un décalage dans la facture visuelle trop colorée et trop lisse (il faut voir le pyjama parfaitement repassé du petit Théo, complètement surréaliste), sûrement du à cette décision de camper (inutilement) l’action dans les années 60. S’il y a là un quelconque hommage à Hitchcock, nous y voyons plutôt une caricature. Contrairement à un Todd Haynes qui recrée avec minutie les années 50 dans son magnifique FAR FROM HEAVEN pour y déconstruire une situation sociale justifiée par l’époque, Masset-Depasse semble oublier totalement le contexte dans lequel il nous plonge. Son drame aurait eu beaucoup plus de force et de crédibilité s’il se déroulait tout simplement aujourd’hui.

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Cela ne s’améliore guère au niveau de la direction du jeu, particulièrement de ses deux actrices. Souvent abandonnées à elles-mêmes, il y a de nombreuses ruptures dans le ton qu’elles utilisent, exagérant certaines scènes et en minimisant d’autres. Anne Coesens (parfaite dans ILLÉGAL) cache tellement bien les intentions de sa Céline, que les actions que son personnage prendra ont l’effet inverse sur nous, pauvres spectateurs. Et Veerle Baetens (inoubliable dans le puissant THE BROKEN CIRCLE BREAKDOWN de Felix van Groeningen), sa Alice passe d’une extrême émotion à un autre, avant même que nous puissions comprendre ce qui se passe devant nos yeux.

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Mais c’est l’utilisation excessive de la musique (les non-coupables que sont les compositeurs Renaud Mayeur et Frédéric Vercheval) qui nous achève complètement. Son omniprésence nous empêche de ressentir quoi que ce soit, nous noyant avant même que nous ayons pu prendre une réelle respiration.

Quelle déception que ce DUELLES, d’autant plus que de nombreux métiers s’en tirent tout de même assez bien. Que l’on pense à la somptueuse direction photo de Hichame Alaouie (LES CHEVAUX DE DIEU), à la précise direction artistique de Séverine Closset et à l’efficace montage de Damien Keyeux.

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Et tout au long de ce pénible duel, je me demandais ce qu’aurait fait Claude Chabrol, maître absolu du genre. Car impossible de ne pas penser à l’un de ses chefs-d’œuvre, MERCI POUR LE CHOCOLAT, où tout s’imbriquait subtilement et à une vitesse à rendre jaloux n’importe quelle tortue. Si l’envie vous prend de vouloir voir DUELLES, pourquoi ne pas plutôt revisiter l’un des classiques de Chabrol. Certaines antiquités moins flamboyantes sont plus durables qu’une pâle imitation.

 

 

 

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