THE DEATH AND LIFE OF JOHN F. DONOVAN, se perdre dans la traduction

THE DEATH AND LIFE OF JOHN F. DONOVAN de Xavier Dolan ⭐⭐1/2

donovant kit1

 

Au départ, il y a eu son souvenir, celui dans lequel le très jeune Xavier Dolan a écrit une lettre à son idole Leonardo Di Caprio, vedette de son film fétiche TITANIC. Ensuite, ce fantasme, « et s’il m’avait répondu… », un projet de long métrage qui a habité longtemps le cinéaste de J’AI TUÉ MA MÈRE. Puis, il en a parlé beaucoup (trop) dans les médias, avant même que le financement soit complété, ce John F. Donovan intriguait déjà la presse internationale. Vint la rencontre entre Dolan et Jessica Chastain au Festival de Cannes, premier nom au casting en 2014, suivi de celui de Kit Harington, au sommet de sa popularité grâce à la série GAME OF THRONES, et ceux de Susan Sarandon, de Kathy Bathes et éventuellement de Natalie Portman et quelques autres. En 2016, après un long tournage en Amérique du Nord et en Europe de l’Est, avec un mirobolant budget de plus de 35 millions de dollars, les premiers échos d’un montage ardu, le refus de nombreux festivals, le remontage qui s’étire, une version de 4 heures que nous ne verrons peut-être jamais, l’année 2017 se termine et plus rien ne semble fonctionner. Finalement, c’est le TIFF qui présentera en première mondiale le 1er long métrage anglophone du jeune prodige québécois. Les premières critiques tombent, elles sont assassines, c’est la catastrophe. Cela prendra des mois avant que nous pouvions le voir au Québec, bien après nos cousins français. Et enfin, ce vendredi 23 août, THE DEATH AND LIFE OF JOHN F. DONOVAN ne pourra plus se cacher, révélé aux yeux de tous les curieux et curieuses de cette odyssée cinématographique.

donovan portman

Après plus de 5 ans à faire la manchette, avant même sa sortie en salles en notre sol, difficile de faire table rase et de se concentrer uniquement sur les images et les sons du 7e long métrage de Xavier Dolan. Vu pour la première fois à Paris en avril dernier, mon 2e visionnement cette semaine me permet de mieux identifier les nombreux stigmates que porte ce « film maudit » et de mesurer l’ampleur de la catastrophe annoncée.

Note positive, dès les premières minutes de THE DEATH AND LIFE OF JOHN F. DONOVAN nous reconnaissons la signature de Dolan, la composition de ses plans, l’importance de la lumière pour aller chercher toutes les expressions du visage de ses comédiens et comédiennes, et aussi les textures épidermiques si riches et sensuelles, sous l’œil précis de son complice André Turpin. Le directeur-photo poursuit son superbe travail de portraitiste entamé dans JUSTE LA FIN DU MONDE, où le cadre serré devient une toile évocatrice des joies et des tourments des personnages de Dolan, les cloisonnant dans un étau qui exprime souvent la solitude de chacun.

Donovan sarandon

Mais rapidement, nous sentons que l’histoire est fragmentée, qu’il nous manque des morceaux pour bien comprendre toutes les intentions des nombreux protagonistes, que la mécanique du récit grince, que déjà ce John F. Donovan nous échappe. Nous imaginons Xavier Dolan faire des concessions, couper les coins ronds pour que personne ne se « blesse », que sa fougue soit désormais appuyée d’une chanson d’Adèle, ou pire encore par la lourdeur de la version de STAND BY ME de Florence + The Machine.

S’il y a bien quelques séquences mémorables, dont celle de l’extraordinaire Jacob Tremblay qui s’extasie devant le générique de son émission préférée mettant en vedette son John F. Donovan, Xavier Dolan semble perdre de la puissance dans ce passage à la langue anglaise. Le créateur de LAURENCE ANYWAYS maîtrise si bien le français, ses nuances et ses fulgurances, que la tiédeur de ses dialogues dans la langue de Jacob Tierney ne réussit pas à traverser nos vêtements pour nous toucher droit au cœur.

donovan bates

Si le retrait du personnage de Jessica Chastain semble désormais judicieux, il est dommage de constater que Natalie Portman joue une mère fade devant celle de l’excellente Susan Sarandon, qui poursuit à merveille la figure maternelle absolue, comme l’on si bien fait auparavant Anne Dorval et Nathalie Baye dans l’univers de Dolan. C’est toutefois regrettable de la voir si peu, tout comme Kathy Bates qui vole chacune des scènes dans lesquelles elle apparaît. Kit Harington demeure en surface, tout comme son personnage, jouant sur ses regards qui appellent « à l’aide ». La véritable révélation du film, c’est définitivement le jeune Jacob Tremblay, champion du box-office nord-américain présentement dans la comédie GOOD BOYS. Il incarne à la perfection le garçon de 11 ans articulé et rêveur, capable de tenir tête à sa mère, écho du Xavier Dolan dans J’AI TUÉ MA MÈRE.

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THE DEATH AND LIFE OF JOHN F. DONOVAN n’est pas une catastrophe, c’est un Dolan mineur je l’avoue, c’est surtout un film dont nous sortons de la salle en nous posant plusieurs questions. Pourquoi a-t-il tourné des scènes à Prague sachant que la ville dorée demeure invisible dans la version finale? Est-ce que Xavier Dolan a perdu le contrôle sur son film dès le tournage? À quoi ressemblerait ce film si l’histoire avait été écrite et réalisée en français? Et surtout, pourrons-nous voir un jour la version de 4 heures (ou celle de Mathieu Denis), celle sûrement où plusieurs pièces de ce casse-tête incomplet nous seraient enfin révélées? Cette production canado-britannique dont les Américains ne veulent pas (toujours aucun distributeur au sud de notre frontière), ironiquement correspond à un pastiche de leur vedettariat, à ce fameux rêve hollywoodien. Pour l’instant Xavier Dolan devra encore y rêvasser.

 

 

 

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