En ce 14 février, j’ai rassemblé cinq films dans lesquels l’amour se décline sous plusieurs formes, très loin des contes de fée. Choix très personnels, je revisite ces rendez-vous cinématographiques avec, je l’avoue, un peu de nostalgie mais surtout un ravissement intact malgré le début de rouille sur mes os.
BANDE À PART de Jean-Luc Godard
Un triangle amoureux comme film de la St-Valentin? Et pourquoi pas car avec Jean-Luc Godard l’objet du véritable amour c’est le cinéma. Et se sont justement ses beaux moments sur pellicule qui m’émerveillent encore. Jeu de séduction entre Odile (Anna Karina), Franz (Sami Frey) et Arthur (Claude Brasseur), ce trio partagera durant trois jours une fulgurante envie de vivre, avec tous les dangers que cela impliquent.
Dès la scène du cours d’anglais tournée en un plan séquence (si l’on ne tient pas compte des deux inserts), Godard capte brillamment les regards croisés des trois personnages. Rarement ai-je senti le désir si bien filmé, se désir de rapprochement, du goût d’aller vers l’autre.
Le plaisir de plaire se poursuit dans la désormais célèbre séquence de danse de Madison. Cette danse en ligne, où personne ne se touche, où la répétition devient enivrante, où le trio existe comme une unité. Quel bonheur de les voir créer ensemble cette courte chorégraphie où ils harmonisent leurs mouvements.
Et finalement, l’ultime exaltation, celle où Anna, Franz et Arthur tentent de battre le record de vitesse pour visiter le musée du Louvre. Dans cette frénétique course se cache un cri d’amour pour la spontanéité et l’urgence de vivre. À la vue de cet exploit, je me suis promis, comme tant d’autre, d’essayer de battre ce nouveau standard.
BEFORE SUNRISE de Richard Linklater
Pour tous les romantiques, les voyages permettent que la magie opère davantage que dans les avenues du quotidien. C’est mon cas et en voyant le premier volet de cette trilogie atypique de Richard Linklater (dont le dernier BEFORE MIDNIGHT est sorti en 2013) je me suis immédiatement identifié au personnage de Jesse, qui colle à la peau d’Ethan Hawke. Dans les rues de Vienne, lorsqu’il tente de séduire maladroitement la belle Céline, campé avec éclat par la ravissante Julie Delpy, toute la prétention et la maladresse du jeune homme de vingt ans que j’étais se rejouait à l’écran. Dans un tout autre contexte, j’avais déjà vécu ses confidences sans lendemain, ce premier baiser tant convoité, cet « au revoir » qui n’en est pas un. Et je ne suis pas le seul à m’être reconnu et m’être solidement attaché aux personnages car les deux acteurs et le réalisateur ont voulu revivre cette aventure, deux autres fois. Dans ce court extrait, tout y est!
LE CHAT DANS LE SAC de Gilles Groulx
Est-ce que les plus belles histoires d’amour ont une fin? Peut-être…Dans ce chef d’œuvre de Gilles Groulx, qui détaille les derniers jours de ce jeune couple formé d’une jolie juive anglophone (sublime Barbara Ulrich) et d’un intellectuel francophone (déterminé Claude Godbout), il y a au premier plan un besoin d’affirmation (ici celle du peuple québécois) dont j’avais drôlement de besoin dans ma vie lorsque je l’ai vu. Baigné par la superbe musique originale de John Coltrane et la photo inspirée de Jean-Claude Labrecque, les amoureux se déchirent, se confrontent, s’aiment une dernière fois. Et ce long métrage un peu trop court qui met en scène la fin d’une histoire a confirmé chez-moi mon amour pour le cinéma québécois. Pour voir le film en entier sur le site de l’ONF.
L’ÉCLIPSE de Michelangelo Antonioni
Si j’ai glissé ce film immense d’Antonioni dans ma liste, ce n’est pas tant pour l’histoire d’amour que vivent les personnages que pour mon coup de foudre absolu pour une actrice formidable, une femme qui est impossible de croiser dans la rue car elle habite seulement dans les vieilles vues. Son prénom est Monica, Monica Vitti. Son épaisse tignasse blonde (moi qui préfère les brunes), ses yeux en amandes, ses lèvres pulpeuses, ses courbes affolantes, une véritable icône de beauté.
Et pourtant, en regardant Alain Delon se lancer sur elle, tenter de la séduire de force, je me disais intérieurement que malgré sa réputation, le grand charmeur français ne savait pas comment s’y prendre avec les femmes, la femme, Monica. Poussant plus loin mon fantasme, je m’imaginais prendre le premier rôle et séduire l’actrice italienne, donner une véritable leçon de cinéma à tous les « don juan » qui se la jouent sur les plateaux de tournage.
Bref, j’en étais là quand les cinq dernières minutes de L’ÉCLIPSE nous montre l’absence des amoureux à leur rendez-vous, ces rues vident de leurs présences, et après les lumières de ma classe de cinéma se sont s’allumées…
LES AILES DU DÉSIR de Wim Wenders
Ce qui m’a séduit dans ce film, où un ange est prêt à devenir mortel pour vivre son amour avec une jolie trapéziste, tient davantage de l’ensemble des relations humaines illustrées que du simple désir d’une femme. J’ai reconnu dans l’œuvre du réalisateur allemand, un authentique goût des autres, une manière d’entrer en contact avec l’intime, avec ce qui caractérise chacun d’entre nous comme individu. Et du coup, ce qui nous unit comme communauté, nous rend fort et fragile à la fois.
Sens qui semble malheureusement se perdre, l’empathie qui anime les deux anges dans LES AILES DU DÉSIR permet justement d’être ouvert à ce que peuvent nous transmettre les personnes que nous croisons dans nos vies. Il en va des bons vieux préceptes d’aimer son prochain et de présumer que l’homme est, à la base, de bonne volonté. Difficile à appliquer de nos jours, j’y croyais naïvement au premier visionnement de ce chef d’œuvre. Pour voir la trapéziste éblouir l’ange Damiel.