Jour 1 du plus libre de tous les festivals de films montréalais, Fantasia continue d’attirer les foules, d’élargir sa palette de couleurs et de nous offrir des pépites qu’il nous serait impossible de découvrir autrement. Aussi bien dire qu’il est devenu indispensable dans le paysage culturel québécois.
Voici quelques titres (en cliquant sur chacun, vous accédez à la fiche dans le catalogue du festival) que j’ai eu la chance de voir avant le début du festival, question de vous orienter (ou pas) vers certains films.
THE ART OF SELF DEFENSE de Riley Stearns ⭐⭐⭐
Il y en a eu des scénarios où l’anti-héros décide de brutalement changer sa vie pour arrêter d’avoir peur des autres. Mais sous l’œil avisé du cinéaste américain Riley Stearns, cette comédie noire frappe exactement où il faut, nous offrant quelques surprises de taille, à défaut d’être une réelle réflexion sur l’omniprésence de la violence dans la culture de nos voisins du sud.
Après un honnête premier long métrage (FAULTS sorti en 2011), Stearns a su tirer le meilleur de Jesse Enseiberg, acteur capable de nous surprendre lorsqu’il est bien dirigé (entre autres dans THE SOCIAL NETWORK de David Fincher et LOUDER THAN BOMBS de Joachim Trier). Sa composition et surtout la transformation de son chétif personnage de Casey sont convaincantes, dans une mise en scène intelligente et juste assez décalée.
THE ART OF SELF DEFENSE confirme le talent de Riley Stearn dans la comédie grinçante, celle qui exploite bien les travers de notre société. Il lui manque toutefois un peu plus de profondeur pour être du même calibre qu’un Adam McKay (VICE, THE BIG SHORT), capable de stimuler autant notre mâchoire que notre cerveau.
KNIVES AND SKIN de Jennifer Reeder 1/2
Il y a bien quelques explications que je devine, pour comprendre comment un film tel KNIVES AND SKIN réussi à se tailler une place dans la programmation de Fantasia. Même si cette proposition cinématographique est pleinement assumée (les références pullulent…allô David Lynch!), tant dans son ton déphasé que dans sa mise en scène à la fois dépressive et colorée, rien ne fonctionne dans la trame narrative de Jennifer Reeder (les non-distribués ici, SIGNATURE MOVE en 2017 et ACCIDENTS AT HOME AND HOW THEY HAPPEN en 2008) . Le synopsis est pourtant accrocheur, mais rapidement des incongruités et l’insupportable interprétation de la totalité du casting nous achèvent comme spectateur. À éviter!
DACHRA d’Abdelhamid Bouchnak ⭐⭐ 1/2
Ce n’est pas tous les jours que nous risquons de croiser un film d’horreur tunisien sur nos écrans. Malgré quelques problèmes de rythmes et le jeu inégal du trio de comédiens principaux, il y a dans DACHRA de nombreuses qualités (l’ambiance, les cadrages, l’utilisation des lieux), preuve du talent du jeune cinéaste Abdelhamid Bouchnak.
Même si le thème de la sorcellerie a le dos large, DACHRA nous propose autre chose, une culture et des références moins connues sur notre territoire, nous permettant de conserver notre curiosité tout au long de la projection. Il faudra le suivre de près ce Monsieur Bouchnak, car il est capable de nous tenir en haleine pendant 113 minutes.
SONS OF DENMARK d’Ulaa Salim ⭐⭐⭐
Parmi les nombreux premiers films de cette 23 édition du festival Fantasia, celui du danois Ulaa Salim se distingue, nous montrant une parfaite maîtrise du langage cinématographique par le jeune cinéaste. Malgré quelques évidences dans son récit et un manque de subtilités dans les motivations de ses personnages, Salim illustre bien les lien entre le politique et le social, tout en étant teinté par les réflexions du prisme des médias.
Choisissant astucieusement le genre du thriller pour traiter de sujets sensibles et épineux (la montée de l’extrême droite et la difficulté des immigrants à s’intégrer), Ulaa Salim possède un indéniable talent visuel, jouant aussi bien avec les images feutrées digne de son compatriote Nicolas Winding Refn, que dans les clairs-obscurs évoquant une certaine période le cinéma de David Fincher. Nous avons déjà hâte de suivre ce réalisateur issu de l’immigration au Danemark, nous permettant d’avoir une autre perspective sur son pays, un peu comme le fait si bien Fatih Akin en Allemagne.
HOUSE OF HUMMINGBIRD de Kim Bora ⭐⭐⭐⭐
La Corée du sud est probablement le pays le plus fascinant présentement pour son cinéma. Fort de la récente palme d’or de Bong Joon-ho pour son très attendu PARASITE, il faudra désormais ajouter le nom de la réalisatrice Kim Bora parmi les nombreux talents du 7e art de ce territoire.
Métaphore sur la jeune démocratie qu’était la Corée du sud en 1993, HOUSE OF HUMMINGBIRD est une oeuvre d’une grande délicatesse, s’attardant aux petites secousses dans la vie de Eun-hee (magnifique Park Ji-hu), tout en nous en dévoilant beaucoup sur les mœurs et la valeur de la liberté dans ce pays. De la dynamique familiale aux diverses rapports d’autorité, en passant par les premiers amours et la douloureuse perte de l’innocence, ce premier long métrage dépeint soigneusement tous les conflits internes qui habitent les adolescents d’ailleurs et d’ici. Une vraie belle découverte à ne pas manquer!
Dans mon agenda et hâte de découvrir :
AND YOUR BIRD CAN SING de Sho Miyake, Japon, 2018
SWALLOW de Carlo Mirabella-Davis, France| États-Unis, 2019 (photo ci-haut)
VIVARIUM de Lorcan Finnegan, Danemark | Irlande | Belgique, 2019