Le 25e anniversaire du Festival Cinémania se poursuit jusqu’à dimanche prochain. Pour faire suite à mon précédent article sur 5 films à ne pas manquer, il reste encore plusieurs pépites cinématographiques à découvrir. Entre autres, LA VÉRITÉ le tout nouveau Hirokazu Kore-eda, son premier long métrage tourné dans une autre langue que le japonais, mettant en vedette Catherine Deneuve et Juliette Binoche.
En plus d’UNE INTIME CONVICTION et LES MISÉRABLES, voici tous les films que j’ai pu voir à la mi-parcours:
REBELLES d’Allan Mauduit, France ⭐⭐⭐
Que serait un festival de cinéma sans un film français complètement déjanté. Après le vite oublié VILAINE, qu’il avait coréalisé avec Jean-Patrick Benes, Allan Mauduit propose en solo REBELLES, aiguisant davantage sa plume et sa caméra. Cécile de France, Yolande Moreau et Audrey Lamy s’amusent vraiment devant l’objectif, rappelant le trio tout aussi improbable dans CRASH TEST AGLAÉ d’Éric Gravel en 2017 (dans lequel figurait l’inimitable Moreau). Un petit bonheur qui se savoure comme une friandise.
CONVOI EXCEPTIONNEL de Bertrand Blier, France ⭐⭐
Christian Clavier et Gérard Depardieu se retrouvent pour la cinquième fois (DIS-LUI TOI QUE JE L’AIME de Claude Miller, LES ANGES GARDIENS de Jean-Marie Poiré, ASTÉRIX ET OBÉLIX CONTRE CÉSAR de Claude Zidi et ASTÉRIX ET OBÉLIX: MISSION CLÉOPÂTRE) devant la caméra de Bertrand Blier. Si l’idée de départ est digne du cinéaste de BUFFET FROID, elle s’effrite rapidement, laissant place à du cabotinage, autant dans le jeu de ces deux ténors du cinéma français, que dans les dialogues usés de Blier.
ALICE ET LE MAIRE de Nicolas Pariser, France/Belgique ⭐⭐1/2
Si au départ l’idée de nous montrer les coulisses de la politique municipale française avait un intérêt, malheureusement le scénario de Nicolas Pariser (LE GRAND JEU en 2015) prend des raccourcis peu crédibles, qui discrédite l’ensemble du récit. Dommage, car le tandem composé de Fabrice Luchini et Anaïs Demoustier a de quoi plaire. Et la philosophie, qui aurait pu venir alimenter et secouer le politique, est rapidement abandonnée.
PORTRAIT DE LA JEUNE FILLE EN FEU de Céline Sciamma, France ⭐⭐⭐⭐1/2
Aurais-je osé attribuer 5 étoiles pour la première fois cette année? Je me garde le plaisir d’y revenir et de le voir mûrir dans mes souvenirs. Sublime, magistral, les qualificatifs sont puissants devant ce magnifique et pur objet cinématographique qu’est PORTRAIT DE LA JEUNE FILLE EN FEU. Céline Sciamma touche ici la grâce, autant dans son écriture fluide que dans sa mise en scène créative et vaporeuse. Comme si nous sortions d’un rêve éveillé, il y a un travail formel et de réflexion incroyable sur le regard (de la naissance du désir, de la perte éventuelle) et sur le point de vue (de la peintre sur son sujet, de la cinéaste sur ses personnages, du spectateur sur l’ensemble de l’oeuvre). C’est aussi un grand film sur le désir, ce sentiment plus fort que tout, capable des moments les plus euphoriques aux douleurs les plus brutales. Adèle Haenel n’a jamais été aussi présente et vulnérable, Noémie Merlant confirme être la révélation de cette année (LES DRAPEAUX DE PAPIER, CURIOSA). Vivement sa sortie en salles pour le revoir, encore et encore.
SYBIL de Justine Triet ⭐⭐⭐
Après LA BATAILLE DE SOLFÉRINO (2013) et VICTORIA (2016), Justine Triet poursuit son exploration de fascinants personnages féminins, personnages qui oscillent entre une force de caractère et une vulnérabilité qui nous les rend plus humaines. SYBIL ne fait pas exception, Justine Efira est encore une fois parfaite en psychothérapiste et le grand bonheur de revoir enfin Sandra Hüller (coucou TONI ERDMANN), comble quelques faiblesses dans le rythme de l’histoire.
CURIOSA de Lou Jeunet ⭐⭐⭐
Noémie Merlant suscite vraiment tous les désirs cette année. Cette fois-ci, elle se glisse dans la peau de la romancière/poétesse/dramaturge Marie de Heredia et de sa complexe relation avec poète/érotomane Pierre Louÿs (campé par l’omniprésent Niels Schneider). Pour un premier long métrage, après de nombreux téléfilms, Lou Jeunet s’en tire bien, même si elle nous propose davantage les lignes des corps de ses protagonistes, plutôt que celles de leurs écrits.
SYMPATHIE POUR LE DIABLE de Guillaume de Fontenay ⭐⭐⭐⭐
Ouf! Encore sous le choc de cette efficace décharge d’adrénaline et d’émotions fortes, impossible de ne pas être secoué par ce fulgurant SYMPATHIE POUR LE DIABLE de Guillaume de Fontenay. Sans longueur inutile, le cinéaste et ses deux collaborateurs scénaristes (Guillaume Vigneault et Jean Barbe), nous plongent tête première dans le siège de Sarajevo, tel que vécu par le journaliste et frondeur Paul Marchand. Saluons aussi la performance sans faux pas de Niels Schneider, qui s’impose de plus en plus comme un des plus solides acteurs de sa génération.
NOUREEV de Ralph Fiennes ⭐⭐1/2
Aux allures de téléfilm, NOUREEV est souvent à la limite de la caricature, usant les clichés de la guerre froide. Le comédien et cinéaste Ralph Fiennes nous offre certes un portrait assez juste des machinations qui se tramaient dans l’ex-Union Soviétique, mais il y a de nombreuses approximations, tant dans le déroulement du récit que dans l’équilibre des interprétations, que ce drame sur un des grands artistes du 20e siècle sera malencontreusement vite oublié.
PAPICHA de Mounia Meddour, Algérie/France/Belgique/Qatar ⭐⭐⭐
Certains films méritent tous les éloges par le simple fait d’exister. C’est le cas de PAPICHA, drame algérien censuré dans son pays mais qui le représente dans la course à l’Oscar du meilleur film international (?!). En évoquant la guerre civile des années 90 en Algérie, Mounia Meddour nous confronte au contexte politique de notre époque, de la montée de la radicalisation, à l’affirmation des jeunes femmes partout dans le monde. Malgré un essoufflement au centre du récit, PAPICHA maintient notre attention et nous questionne bien après le déroulement du générique. Un film très pertinent!
LE CHANT DU LOUP d’Antonin Baudry ⭐⭐⭐
Personne ne s’attendait à voir un film de sous-marin à Cinémania. Pourtant, LE CHANT DU LOUP s’en tire bien, malgré que ce sous-genre des films de guerre soit davantage américain (et ce malgré que le grand classique demeure DAS BOOT, film allemand de Wolfgang Petersen). En misant sur l’aspect sonore de ces géants de la mer, cette astuce de Baudry nous garde sur le bout de notre siège jusqu’à la toute fin. Et ce malgré le jeu un peu mou de certaines grosses pointures françaises (Mathieu Kassovitz et Omar Sy en tête).
L’ADIEU À LA NUIT d’André Téchiné ⭐⭐⭐
Un peu comme l’on fait les frères Dardenne cette année avec LE JEUNE AHMED, André Téchiné explore la radicalisation, mais sans trop se mettre les bras dans le tordeur. L’ADIEU À LA NUIT ne propose rien de nouveau, mais comme la majorité des films de Téchiné, il y a un savoir-faire, une méthode, qui comble une certaine paresse de point de vue. Et de film en film, le jeune acteur suisse Kacey Mottet Klein s’affirme comme un bel espoir florissant, lui qui confirme toutes les attentes que nous avions depuis HOME d’Ursula Meier en 2008.