48e FNC, mi-parcours

Mariage

Scarlett Johansson, & Adam Driver épatants dans MARRIAGE STORY de Noah Baumbach

Après 5 journées pleines et plus d’une vingtaine de films derrière la cravate, c’est déjà le moment de faire un survol du 48e Festival du Nouveau Cinéma. Année de transition au niveau de la programmation, les valeurs sûres ne déçoivent pas, mais les découvertes se font plus rares.

Vous trouverez mes courtes critiques des longs métrages A WHITE, WHITE DAY de Hlynur Pálmason, L.A. TEA TIME de Sophie Bédard Marcotte, PERDRIX d’Erwan Le Duc et SYNONYMES de Nadav Lapid dans mon texte précédent Vus et pas (encore) vus au 48e FNC.

Voici les autres œuvres que j’ai pu voir à mi-parcours du FNC 2019:

ADORATION de Fabrice du Welz (Belgique/France) ⭐⭐

adoration

Pour tous les amateurs de films de genre, le cinéaste belge Fabrice du Welz n’a plus besoin de présentation. Le créateur de CALVAIRE et d’ALLÉLUIA a le talent pour nous plonger dans des drames atmosphériques juste assez tordus. Malheureusement, ADORATION s’essouffle assez rapidement, misant sur une intrigue mince et peu crédible. Malgré une grande maîtrise formelle (notons la magnifique photographie de Manuel Dacosse, habitué des univers d’Hélène Cattet & Bruno Forzani) l’interprétation nuancée du jeune Thomas Gioria (déjà impressionnant dans JUSQU’À LA GARDE de Xavier Legrand) rien ne peut sauver ADORATION d’être un autre film qui ne répond pas à ses promesses.

 

ADULTS IN THE ROOM de Costa-Gravas (Grèce/France) ⭐⭐1/2

ADULTS IN THE ROOM directed by Costa Gavras

À 86 ans, le cinéaste franco-grec Costa-Gavras pose sa caméra pour la première fois sur sa terre natale. ADULTS IN THE ROOM est l’ambitieuse adaptation du livre de l’ancien ministre des finances grecques Yanis Varoufakis, lui qui a tenté de sauver son pays en plein conflit européen. Si on reconnait le ton et le rythme de réalisateur de Z et LE COUPERET, son nouveau brûlot manque de mordant, sa mise en scène est parfois caricaturale sans pleinement l’assumer et surtout le jeu de sa horde de comédiens est franchement inégal.

 

AND THEN WE DANCED de Levan Akin (Suède/Georgie/France) ⭐⭐1/2

and then we danced

Le troisième long métrage du réalisateur suédois d’origine géorgienne Levan Akin AND THEN WE DANCED est le portrait type d’un film de festival: juste assez dépaysant, basé sur une autre forme d’art, avec un beau trio d’acteurs que nous avons le goût de suivre au sein du récit, un bon équilibre entre des moments enlevants et ceux soi-disant plus introspectifs du personnage central. Si tout fonctionne bien à l’écran, Akin néglige toutefois notre cœur de spectateur, demeurant en surface, n’osant pas explorer plus profondément les véritables motivations de son héros, le pourtant splendide Merab (habile Levan Gelbakhiani). Dommage, il y avait là un récit déchirant qui méritait d’éclore de ce drame trop propre.

 

ANGEL OF THE NORTH de Jean Michel Roux (Finlande/France) ⭐⭐1/2

angel of the north

Ce documentaire qui s’articule autour de la plus célèbre toile finlandaise, soit L’ANGE BLESSÉ de Hugo Simberg (qu’il peint en 1903 dans un hôpital psychiatrique) détenait un bon point de départ pour nourrir notre fascination de ce fascinant pays de l’Europe du Nord. Mais le réalisateur et scénariste français Jean Michel Roux peine à trouver une ligne directrice parmi tous ces témoignages et reconstitutions. ANGEL OF THE NORTH s’évanouit rapidement de notre esprit, comme un rendez-vous manqué.

 

AREN’T YOU HAPPY? de Susanne Heinrich (Allemagne) ⭐⭐⭐

aren't you happy

Susanne Heinrich est avant tout une jeune autrice allemande qui a déjà publié quatre livres, dont le premier à l’âge précoce de 19 ans. Elle poursuit sa démarche féministe dans un premier long métrage surprenant, tant dans son propos que dans sa transposition visuelle. Avec une approche minimaliste et colorée, Heinrich capte rapidement notre attention. Dans sa série de tableaux, le personnage de la « jeune fille mélancolique » est joué par l’angélique Marie Rathscheck, elle qui se cherche « amoureusement » un lit à chaque soir. En abusant pas trop de ses procédés et grâce à la présence de son héroïne, Heinrich réussit son pari, nous donnant même l’envie de suivre sa « jeune fille » dans de nouvelles aventures.

 

BACURAU de Kleber Mendonça Filho & Juliano Dornelles (Brésil/France) ⭐⭐⭐⭐

bacurau

Après l’engageant AQUARIUS sorti ici à la fin de l’année 2016, Kleber Mendonça Filho s’associe avec son directeur artistique Juliano Dornelles pour coréaliser le déroutant BACURAU. Comment interpréter cette oeuvre libre dans le contexte du Brésil de Bolsonaro? Déjà, il y a un fort sentiment de communauté, cette idée d’un « nous » plus puissant que quelques mercenaires américains et d’un maire qui tente de se faire réélire. BACURAU ose, frappe, et se questionne sur des enjeux importants comme le territoire, la politique corrompue et l’économie de survivance. Entre le cinéma de genre et le film engagé, BACURAU prouve qu’il est possible de se divertir tout en ne laissant pas son cerveau au vestiaire.

 

COLOR OUT OF SPACE de Richard Stanley (Portugal/États-Unis) ⭐⭐⭐

color-out-of-space

Après MANDY de Panos Cosmatos dans lequel Nicolas Cage nous avait épaté l’an dernier, l’Oscarisé comédien revient dans un autre univers éclaté, COLOR OUT OF SPACE d’après le texte de H.P. Lovecraft. Le réalisateur Richard Stanley semble toutefois avoir eu beaucoup de difficulté à le rappeler à l’ordre, lui laissant beaucoup trop de place pour cabotiner. Heureusement, le film ne repose pas uniquement sur sa vedette, Stanley construit un univers aux couleurs envoûtantes qui découpent bien avec l’aspect morbide qui rode dès la deuxième moitié du récit. Un vrai film de série B qui mérite d’être vu sur grand écran.

 

DOULEUR ET GLOIRE de Pedro Almodovar (Espagne) ⭐⭐⭐1/2

douleur et gloire

Il suffit d’écrire son nom pour que plusieurs images et séquences nous reviennent en tête. Almodovar a une formidable carrière, mais depuis le début des années 2000, ses œuvres n’ont pas le même panache qu’auparavant. Avec DOULEUR ET GLOIRE,  le revoici inspiré, s’amusant avec la composition de ses plans comme il le faisait si bien à ses débuts, dirigeant habilement le réhabilité Antonio Banderas (prix d’interprétation masculine amplement mérité à Cannes). En fouillant dans ses souvenirs, Pedro trouve ce feu qui l’a si longtemps habité. En espérant que la flamme ne s’éteigne pas prochainement.

 

ECHO de Rúnar Rúnarsson (Islande/France/Suisse) ⭐⭐⭐⭐

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L’un des plus sensibles cinéastes du globe nous offre, en 56 vignettes de durées variables, un magnifique portrait de l’Islande moderne. Après VOLCANO et SPARROW, Rúnar Rúnarsson confirme qu’il est un digne héritier du polonais Krzysztof Kieślowski, plaçant l’expérience humaine à l’avant-plan dans chacun de ses films. ECHO impressionne par la richesse de ses « vibrations », et aussi dans sa formidable capacité d’unifier certains segments documentaires avec d’autres complètement fictifs (bonne chance à ceux et celles capables de les différencier). Depuis ses courts métrages, le réalisateur islandais poursuit une démarche exemplaire, et ECHO est sûrement son plus bel accomplissement.

 

LES FLEURS OUBLIÉES d’André Forcier (Québec) ⭐1/2

les fleurs oubliées

Capable du meilleur et du pire, André Forcier ajoute avec LES FLEURS OUBLIÉES une autre fable à son impressionnant album de récits fantastiques. Mais celui-ci semble impénétrable, laissant le spectateur être témoin à distance d’un nouveau délire spatio-temporel dans lequel il n’est jamais inclus. Dommage de voir un Marie-Victorin revenir parmi nous et partir sur la brosse à l’hydromel. Il y aurait eu tant à dire et à faire, mais Forcier effleure à peine le politique, préférant nous exposer des personnages gonflés à l’hélium et nous soumettre au plaisir qu’avait tous les acteurs et actrices de se retrouver sous sa tutelle.

 

JEANNE de Bruno Dumont (France) ⭐⭐⭐⭐

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Film somme d’une carrière à la signature forte, JEANNE est un grand cru de Bruno Dumont. Effaçant le mauvais souvenir du pénible JEANNETTE, Dumont nous offre une relecture de Charles Péguy qui prend tout son sens, surtout lors du procès de Jeanne D’Arc. Il retrouve la jeune Lise Leplat Prudhomme qui perce l’écran et de nombreux non-professionnels qui semblent s’être échapper des auditions de P’TIT QUINQUIN. Bercé par la voix céleste de Christophe, Dumont fait écho à ses plus beaux films, HADEWIJCH en tête. Nous attendons déjà impatiemment son prochain projet, PAR CE DEMI-CLAIR MATIN avec Léa Seydoux, Benoît Magimel et Blanche Gardin.

 

LE JEUNE AHMED de Luc & Jean-Pierre Dardenne (Belgique/France) ⭐⭐⭐

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Peut-on reprocher aux frères Dardenne de ne pas se réinventer? Avec LE JEUNE AHMED, les cinéastes belges appliquent efficacement leur savoir-faire, sans trop pousser la note. Thème sensible qu’est celui de la radicalisation, c’est grâce au judicieux casting du jeune Idir Ben Addi (dont c’est la première présence à l’écran) que nous nous accrochons à son inévitable destin. Sans être un Dardenne majeur, LE JEUNE AHMED montre peut-être un désir de Luc et Jean-Pierre de revenir davantage à l’essence même de leur démarche, soit celle de trouver un sens à cette existence qui nous accable.

 

MARRIAGE STORY de Noah Baumbauch (États-Unis) ⭐⭐⭐⭐1/2

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Il faut croire que le divorce inspire bien Noah Baumbauch. S’il nous montrait déjà ses talents de scénariste et de dialoguiste dans THE SQUID AND THE WHALE en 2005, il confirme plus que jamais sa verve et sa précision dans l’immense MARRIAGE STORY. Porté par son formidable duo composé de Scarlett Johansson & Adam Driver, Baumbauch passe carrément toute la gamme des émotions à travers ce couple qui se déchirent de plus en plus sous nos yeux. Sérieux candidat à de nombreux prix dans les nombreuses cérémonies à venir, MARRIAGE STORY a déjà sa place aux côtés des KRAMER VS KRAMER et tous les autres drames maritaux auxquels vous pouvez penser.

 

MONOS d’Alejandro Landes (Argentine/Colombie/Allemagne/Pays-Bas) ⭐⭐⭐

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Évoquant à de multiples reprises DE LA GUERRE de Bertrand Bonello, mais sous encore moins de supervision pour ses personnages, MONOS vise assez juste. Landes nous laisse beaucoup (trop?) de place comme spectateur, brouillant les motifs, le contexte et les repères habituels pour que notre compréhension soit cérébrale. Nous devons plutôt utiliser notre ressenti et notre empathie pour pleinement apprécier ce drame qui est davantage intérieur.

 

NAIL IN THE COFFIN: THE FALL AND RISE OF VAMPIRO de Michael Paszt (Canada) ⭐⭐

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NAIL IN THE COFFIN est le parfait exemple du documentaire qui se laisse prendre au jeu que semble imposer son sujet. En s’intéressant au personnage de Vampiro, le cinéaste canadien Michael Paszt oublie de rester critique face à lui. Cela nous donne certes un fascinant point de vue sur cette vie rocambolesque du lutteur Ian Richard Hodgkinson, mais les véritables questions qui auraient dû être posées ne le sont pas.

 

PARASITE de Bong Joon-Ho (Corée du Sud) ⭐⭐⭐⭐

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Quelle joie qu’un cinéaste comme Bong Joon-Ho puisse décrocher une palme d’Or! De surcroît, le père de SNOWPIERCER et THE HOST le fait avec son film le plus politique, le plus imprévisible et qui montre l’ampleur de son talent, pour construire autant un récit qu’un univers dans lequel il peut évoluer. Véritable bonheur cinématographique,  PARASITE peut combler tous les spectateurs par son utilisation méthodique des nombreux codes du 7e art, et en misant avant tout sur le simple plaisir de se retrouver devant une captivante histoire familiale.

 

SO LONG, MY SON de Wang Xiaoshuai (Chine) ⭐⭐⭐1/2

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SO LONG, MY SON  aurait pu être un autre film chinois assez classique qui survole une longue période de son histoire. Toutefois, le cinéaste Wang Xiaoshuai a eu la brillante idée de complètement déconstruire son récit. Grâce à un montage précis et ingénieux, qui nous montre au bon moment ce que nous devons apprendre, tout en nous cachant ce que nous apprendrons plus tard, il réussit à maintenir un équilibre entre le présent et le passé.

 

VAILLANCOURT: REGARDE SI C’EST BEAU de John Blouin (Québec) ⭐⭐⭐1/2

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Difficile de lui donner 90 ans tellement Armand Vaillancourt est une force de la nature, autant dans sa droiture physique que dans son souffle de conteur de sa propre vie. Inspiré par son sujet, le cinéaste John Blouin a sculpté un documentaire qui conserve uniquement l’essence même de ce géant québécois. Au final, une fin de semaine de tournage aura été préservée sur ce douze ans de fréquentation entre les deux hommes. Mais tout ce matériel était de trop pour pleinement comprendre et saisir ce qui habite cet homme, toujours capable de s’éblouir devant les créations de l’homme et de la flore.

 

VIDEOPHOBIA de Daisuke Miyazaki (Japon)  ⭐⭐⭐1/2

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Dans VIDEOPHOBIA, le noir et blanc exprime adéquatement les zones d’ombres et de lumières de la jeune Ai, victime malgré elle d’un drame très contemporain, soit celui de s’être fait filmer sans son consentement. Daisuke Miyazaki examine avec respect et bienveillance les questionnements de sa protagoniste, sans jamais trop surligner ses propos. Nous avons un efficace et minutieux film qui pose de nombreuses questions auxquelles nous devons répondre comme société. La preuve que la technologie devient de plus en plus envahissante, et que nous n’avons pas le temps de pleinement remettre en cause sa présence et d’établir des limites infranchissables.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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