
Fanny Mallette & Sébastien Ricard, le couple brisé du magnifique CHORUS de François Delisle
Quel exercice difficile et futile que de sélectionner 50 longs métrages québécois parmi les plus de 500 que j’ai vus durant les 10 dernières années, en fiction et en documentaire. La subjectivité à son paroxysme, c’est tout de même un moyen de faire un survol sur le chemin parcouru de notre cinématographie, ce porte étendard de notre culture qui est plus que jamais reconnu partout dans le monde.
Malgré les éloges et les nombreux prix, le cinéma québécois entretient une relation complexe avec son public, qui ne s’engage jamais vraiment, jamais complètement. Cette histoire d’amour semble se vivre surtout par coups de foudre, pour une oeuvre précise (MOMMY de Xavier Dolan, MONSIEUR LAZHAR de Philippe Falardeau, INCENDIES de Denis Villeneuve, GABRIELLE de Louise Archambault), la nostalgie d’une époque (LA PASSION D’AUGUSTINE de Léa Pool, LA BOLDUC de François Bouvier, LOUIS CYR de Daniel Roby, les films de Ricardo Trogi) et bien sûr l’humour dont nous avons tant de besoin (dominer par le cinéma d’Émile Gaudreault).

Et si CAMION de Rafaël Ouellet avait eu accès à plus d’écrans ?
Mais le problème majeur au Québec, c’est la distribution. Bien des films n’ont pas eu la chance de « trouver » leur public parce qu’ils ne se rendent pas jusqu’à eux. Que l’on pense à CAMION de Rafaël Ouellet qui n’a pas eu accès à un nombre suffisant d’écrans, ou tout récemment KUESSIPAN de Myriam Verreault, qui a dû céder sa place à un autre film (trop de sorties cet automne) malgré qu’il affichât encore complet à de nombreuses séances. Les distributeurs indépendants se battent pour se faire une place entre les géants qui monopolisent (pour ne pas dire écrasent) le marché, et la situation ne sera pas plus facile dans les années à venir. À quand des salles à l’usage unique des films financés par la SODEC et Téléfilm, une plateforme du projet Elephant accessible d’un seul clic, et une application pour visionner nos courts métrages qui illuminent la planète? Je lance ça dans l’univers (même si je sais que je ne suis pas le premier à le faire), on ne sait jamais.

BESTIAIRE de Denis Côté, regarder le réel et entendre de la fiction
Revenons au cinéma! Une chose est certaine, mon amour du documentaire ne se tarit pas. Avec plus d’une dizaine dans cette liste (si les expérimentations de Denis Côté peuvent se classer sous ce genre), il y a souvent plus de créativité et d’explorations narratives parmi ceux et celles qui filment le réel. Le cinéma québécois est né du documentaire et si un jour il meurt (ce que l’on ne souhaite vraiment pas), son dernier film sera un regard unique sur ce qui nous entoure. À tous ceux et celles qui continuent ce métier exigeant et précaire, je vous salue et surtout je vous remercie.

Le cinéma féminin québécois au premier plan dans les années à venir (LE PROFIL AMINA de Sophie Deraspe)
Si les femmes sont encore minoritaires dans ce classement, la prochaine décennie devrait prouver l’émergence grandissante de leurs voix. Les Sophie Deraspe, Geneviève Dulude-De Celles, Anne Émond, Myriam Verreault, Jennifer Alleyn, Sophie Dupuis, Chloé Leriche et Sophie Bédard Marcotte de ce monde auront sûrement plusieurs consœurs à leurs côtés. Il suffit de constater toutes les jeunes réalisatrices talentueuses en court métrage, pour voir l’arrivée en force d’une génération qui prendra sa place un film à la fois.

La décennie Xavier Dolan, dont son exubérant LAURENCE ANYWAYS
Si un seul nom devait illustrer la situation du cinéma québécois durant la dernière décennie, c’est bien celui de Xavier Dolan. Il a eu ses hauts et ses bas aux guichets des salles de cinéma, mais il a toujours su rester lui-même, nous offrant des œuvres audacieuses, carburant à l’adrénaline du Festival de Cannes et de ses prises de position, Dolan ne laisse personne indifférent, et c’est tant mieux. Que fera-t-il durant les années 20? Souhaitons seulement qu’il continue de faire du Xavier Dolan.
Bon, assez d’analyse, passons maintenant au chef d’oeuvre (oui oui) qui se place au sommet de cette liste. C’est assurément le film que j’ai vu le plus souvent depuis sa sortie en août 2014, au moins à 7 ou 8 reprises . Chaque fois, j’avais le bonheur d’y retrouver la signature unique de ce cinéaste et musicien, de plonger dans son univers où le temps semble s’être arrêté, où tout est possible même si très peu de chose se passe. Il porte le prénom d’un personnage féminin, jeune femme représentative de notre époque qui se cherche et qui est curieuse, qui oscille entre un engourdissement généralisé et une bienveillance discrète. Tout est parfait dans ce long métrage, sous l’œil précis de notre plus grande directrice-photo, les comédien.ne.s. sont sur leur X et le réalisateur brille par son intelligence et sa subtilité. Vous avez sûrement deviné de quel film il s’agit.
Sans plus attendre, allons-y avec les 50 films qui ont fait ma décennie 2010:
- TU DORS NICOLE de Stéphane Lafleur
- MOMMY de Xavier Dolan
- CHORUS de François Delisle
- BESTIAIRE de Denis Côté
- MANOIR de Martin Fournier & Pier-Luc Latulippe
- TUKTUQ de Robin Aubert
- CAMION de Rafaël Ouellet
- MIRON: UN HOMME REVENU D’EN DEHORS DU MONDE de Simon Beaulieu
- LES DÉMONS de Philippe Lesage
- UNE COLONIE de Geneviève Dulude-De Celles
- LES AFFAMÉS de Robin Aubert
- LE MÉTÉORE de François Delisle
- FÉLIX & MEIRA de Maxime Giroux
- HOAX CANULAR de Dominic Gagnon
- NUIT #1 d’Anne Émond
- LE DÉMANTÈLEMENT de Sébastien Pilote
- CEUX QUI FONT LES RÉVOLUTIONS N’ONT FAIT QUE SE CREUSER UN TOMBEAU de Mathieu Denis & Simon Lavoie
- LAURENCE ANYWAYS de Xavier Dolan
- LA PETITE FILLE QUI AIMAIT TROP LES ALLUMETTES de Simon Lavoie
- THE TWENTIETH CENTURY de Matthew Rankin
- EN TERRAINS CONNUS de Stéphane Lafleur
- ALEXANDRE LE FOU de Pedro Pires
- WILCOX de Denis Côté
- TADOUSSAC de Martin Laroche
- LE PROFIL AMINA de Sophie Deraspe
- RÉPERTOIRE DES VILLES DISPARUES de Denis Côté
- CHASSE AU GODARD D’ABBITTIBBI d’Éric Morin
- LES MANÈGES HUMAIN de Martin Laroche
- LAURENTIE de Mathieu Denis & Simon Lavoie
- LA PART DU DIABLE de Luc Bourdon
- DESTIERROS d’Hubert Caron- Guay
- AVANT LES RUES de Chloé Leriche
- PREMIÈRES ARMES de Jean-François Caissy
- DIEGO STAR de Frédérick Pelletier
- À L’ORIGINE D’UN CRI de Robin Aubert
- CHIEN DE GARDE de Sophie Dupuis
- KUESSIPAN de Myriam Verreault
- ANTIGONE de Sophie Deraspe
- LES ARTS DE LA PAROLE d’Olivier Godin
- CLAIRE L’HIVER de Sophie Bédard Marcotte
- MAD DOG LABINE de Jonathan Beaulieu-Cyr & Renaud Lessard
- IMPETUS de Jennifer Alleyn
- GUIBORD S’EN VA-T-EN GUERRE de Philippe Falardeau
- AVANT QU’ON EXPLOSE de Rémi St-Michel
- LE PROBLÈME D’INFILTRATION de Robert Morin
- HAPPY FACE d’Alexandre Franchi
- CONTE DU MILE-END de Jean-François Lesage
- REBELLE de Kim Nguyen
- ROCHE PAPIER CISEAU de Yan Lanouette Turgeon
- LES MAUVAISES HERBES de Louis Bélanger
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