LE HASARD, la possibilité narrative

Pour le 20e anniversaire de sa mort, cette semaine est dédiée au cinéma de Krzysztof Kieślowski en revenant sur quelques unes de ses œuvres phares.

LE HASARD, c’est le titre du 3e long métrage de fiction de Krzysztof Kieślowski et aussi un thème clé dans l’œuvre du cinéaste polonais. Dans ce film, définitivement son plus politique, il a la volonté de démontrer sa confiance dans le libre arbitre de chacun, même au sein d’un système totalitaire comme l’était la Pologne en 1981. Est-ce vraiment un hasard que la version finale fut terminée la veille de la mise en vigueur de la loi martiale du général Jaruzelski suite à son coup d’état?

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Cette critique à peine masquée du régime communiste valut au film de Kieślowski 6 ans de censure. Mais au-delà du propos, c’est la trame narrative qu’utilise le réalisateur du DÉCALOGUE qui distingue son long métrage. Suite à la mort de son père, Witek abandonne ses études en médecine. Kieślowski propose alors trois possibilités de destin à son personnage, lorsque celui-ci tente sur le quai d’une gare d’attraper le train qui vient juste de quitter.

Ce procédé scénaristique très proche de la littérature (et qui sera reprit par Resnais dans SMOKING/NO SMOKING, par l’allemand Tom Tykwer dans COURS, LOLA, COURS et par le britannique Peter Howitt dans SLIDING DOORS) offre de riches alternatives pour le réalisateur, surtout que ce dernier voulait explorer les conséquences d’adhérer ou non au régime imposé alors en Pologne.

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Probablement son film le plus complexe, Kieślowski ne se contente pas de suivre linéairement chaque hypothèse mais plutôt de confronter son Witek avec d’autres personnages. Certains réussiront à le faire douter, voir même changer d’idée ou à solidifier sa position. Rien n’est tout noir ou tout blanc, et tous les rôles dans ces histoires, aussi mineurs soient-ils, peuvent influencer le(s) destin(s) du protagoniste, comme dans le réel. Malgré qu’ici, contrairement à ses deux premières fictions, Kieślowski s’éloigne de plus en plus du documentaire, insufflant grâce à la musique de Wojciech Kilar (qui annonce les élans dramatiques tellement identifiables de Zbigniew Preisner) un peu de romanesque.

Dans LE HASARD, il y a aussi les bases de LA DOUBLE VIE DE VÉRONIQUE (les choix de Véronique et Weronika seront déterminants sur leur vie et leur mort) et l’idée lointaine de trois films distincts en un seul (le germe derrière la trilogie TROIS COULEURS?). Vraiment fascinant de voir ce réalisateur mettre en place les fondements de sa démarche cinématographique film après film, tel un architecte s’améliorant d’une construction à l’autre.

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Si l’ensemble de l’œuvre de Kieślowski baigne dans une incertitude et un certain pessimiste, sans toutefois trop l’appuyer, il réussit toujours à mettre tellement d’humanité dans ses récits que les spectateurs ne peuvent simplement pas s’opposer à ses propositions. Et c’est sûrement là la plus grande force de ce cinéaste, d’être proche de nous dans nos vies, dans nos éternels questionnements, dans nos impulsions, nos doutes. Aussi dans tout ce qui nous échappe, ce qui nous dépasse en tant qu’être humain, ce qu’il y a de plus grand que nous. Certains l’appelleront destin ou hasard, d’autres y mettront le visage d’un dieu. Mais peu importe, comme tous ses personnages, nous ne contrôlons pas entièrement la direction de nos destinés.

Impossible après avoir visionné LE HASARD  de Krzysztof Kieślowski de ne pas se demander dans un moment ou un autre de nos vies, ce qui aurait pu se produire si nous avions nous aussi raté le train ou si nous aurions pu faire autrement pour changer notre propre récit. Un monde de possibilités s’ouvre à nous tous les jours et pourtant à la fin de la journée une seule histoire demeure. Au cinéma, tout est possible!

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