VOLCAN, terre de glace et de feu

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En janvier 1973, une longue fissure de plus d’un kilomètre et demi se forma sur l’île Heimaey, la seule habitée dans l’archipel des îles Vestmann en Islande. Les images spectaculaires de cette éruption volcanique au pied d’un village côtier ouvrent le premier long métrage du réalisateur Rúnar Rúnarsson. De nombreuses résidences furent détruites, provocant l’exode forcé de milliers de personnes vers l’île principale de l’Islande.

Hannes, personnage central de Volcan, est l’un d’eux. Ce pêcheur reconvertit en concierge arrive à sa retraite après 37 ans de loyauté à la même école. Homme dur et froid, tant avec sa femme que ses enfants, sa vie sera bouleversée, et lui transformé, lorsqu’il devra s’occuper de sa conjointe gravement malade. Si cette prémisse vous semble familière par son thème, il serait vraiment injuste de le comparer au film de Michael Haneke Amour. Contrairement à la Palme d’or de 2012 qui met de l’avant un couple, la Louve d’or 2011 du Festival du Nouveau Cinéma s’intéresse davantage à la confrontation d’un vieil homme face à lui-même, de sa plongée au cœur de son cratère intérieur duquel il tentera d’émerger. Et notons aussi qu’il y a 35 ans d’écart entre les deux réalisateurs, détail non négligeable concernant le jeune islandais pour raconter un sujet qui, à première vue, semble si loin de lui.

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PRANK, décomplexer notre regard

Pas facile de confectionner une comédie intelligente, surtout au Québec. Mission accomplie pour la belle gang de PRANK, dirigée par le cinéaste Vincent Biron. Fort de sa présence à la MOSTRA de Venise, le film arrive enfin sur nos écrans. Voici ma critique en ce matin d’automne sur les ondes de CIBL 101.5 FM.

AMERICAN HONEY, portrait américain

Comment ne pas être excité à la sortie du nouveau film de la cinéaste britannique Andrea Arnold? D’une constance exemplaire dans la qualité de ses œuvres, la réalisatrice de RED ROAD nous revient avec AMERICAN HONEY, un road movie tourné sur les routes du Midwest des États-Unis.

Ai-je été charmé autant que ces précédents WUTHERING HEIGHTS et FISH TANK? Voici ma critique à LA MATINALE de CIBL 101.5 FM.

LE SALAIRE DE LA PEUR, mettre en scène le danger

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Au début du long métrage Le salaire de la peur d’Henri-Georges Clouzot, il y a la vie. À Las Piedras, ville fictive d’Amérique latine, le réalisateur français nous montre comment la population et les migrants allemands, américains et français cohabitent dans ce no man’s land où règnent la chaleur et un chaos contrôlé. Ensuite, il y a la mort, celle que transportent deux duos d’hommes dans leur camion plein de galons de nitroglycérine. Le tout nous donne un long métrage haletant d’un cinéaste au sommet de son art, capable de mettre en scène le danger en le domptant habilement.

Sorti en salles en 1953, Le salaire de la peur remportait alors l’Ours d’or au Festival de Berlin et la Palme d’or du Festival de Cannes (plus précisément le Grand prix du Festival international du film 1953, car la première Palme d’or fut décernée en 1955). Exploit exceptionnel désormais impossible, dû à l’exclusivité de chaque festival, Henri-Georges Clouzot s’attaquait à un grand succès en adaptant le roman du même titre de Georges Arnaud.

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STILL WALKING, une famille comme toutes les autres

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Chaque famille à son histoire, composée de drames et de bonheurs où tous les membres semblent jouer un rôle aux yeux des autres. Dans le cas des trois générations du clan Yokoyama, c’est pour souligner la mort du fils ainé plusieurs années auparavant qui les pousse à se regrouper tous les ans. Avec une finesse et une grande délicatesse, le réalisateur japonais Hirokazu Kore-Eda compose dans Still Walking un des plus beaux portraits de famille contemporains.

Reprenant des thèmes récurrents dans son œuvre, soient ceux de la cellule familiale mais aussi des répercussions de la mort sur les vivants, Kore-Eda démontre plus que jamais sa maîtrise scénaristique et sa capacité à effacer tout effort de mise en scène. Et pourtant, derrière cette fluidité dans l’histoire et le jeu des comédiens, il y a un réalisateur en plein contrôle qui, tel un chef d’orchestre au sommet de son art, mise tout sur la symphonie.

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Béla Tarr, cinéaste de la pénombre

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Le cinéaste hongrois Béla Tarr a mis fin à sa carrière en 2011, après son 9e et ultime long métrage, l’immense UN CHEVAL DE TURIN. Découragé de la lourdeur du système de production de son pays, et convaincu que son cinéma n’intéressait plus le public des salles obscures, Tarr a préféré s’arrêter.

Sa signature était évidente dès les premières minutes de ses films, que l’on pense à DAMNATION ou son film fleuve SÁTÁNTANGÓ Favorisant la beauté du noir et blanc, misant sur l’implication du spectateur dans d’impressionnants plans-séquences, Béla Tarr a désormais sa place parmi les grands réalisateurs de l’histoire du cinéma. Il était un poète des ombres et de la lumière, un maître de la pénombre, un des derniers, sinon le dernier, à utiliser le cinéma pour son essence première, cette affolante lumière.

Cet hommage en images montre à quel point il nous manque déjà. L’homme de 61 ans reviendra-t-il un jour sur sa décision? Comme cinéphile, il est obligatoire d’y rêver.

 

 

LO AND BEHOLD, Herzog et les internets

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C’est le 29 octobre 1969 dans la pièce 3420 de l’Institut de recherche de l’Université Stanford que la toute première connexion entre deux ordinateurs a eu lieu. Prémisse de ce qui deviendra quelques années plus tard notre internet et aussi du fascinant documentaire de Werner Herzog, LO AND BEHOLD – REVERIES OF THE CONNECTED WORLD.

En 10 chapitres, cet essai cinématographique du vétéran cinéaste allemand ratisse large et dans toutes les directions, à l’image de son sujet. S’il est impossible de traiter de tous les aspects d’internet en moins de deux heures, il faut dire que le réalisateur de GRIZZLY MAN montre tout son savoir-faire en gardant son principal objectif, démontrer notre grande vulnérabilité face à cet invention souvent hors de contrôle qui, paradoxalement, contrôle de plus en plus nos vies.

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LES DÉMONS de Philippe Lesage, second rendez-vous

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C’est aujourd’hui que sort (enfin) en DVD et VSD l’excellent 1er long métrage de fiction de Philippe Lesage LES DÉMONS. Meilleur film québécois de 2015 selon les critiques de l’AQCC (Association Québécoise des Critiques de Cinéma) et récipiendaire du prix Gilles-Carle (meilleur premier ou deuxième long métrage de fiction) aux derniers Rendez-Vous du Cinéma Québécois, LES DÉMONS avait eu sa première au prestigieux Festival international du film de San Sebastian en Espagne lors de sa 63e édition.

LES DÉMONS raconte les peurs réelles et imaginaires de Félix 10 ans, entouré de sa famille et de ses amis dans sa banlieue qui semble si paisible.

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LE FILS DE JEAN, le retour de Gabriel Arcand

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Au mois de mars l’an passé, Gabriel Arcand était l’un des mes invités au Festival 48 Images seconde à Florac dans les Cévennes. Il me parlait qu’il allait alors entreprendre durant l’été le tournage du nouveau long métrage de Philippe Lioret. Le cinéaste de l’excellent WELCOME a tourné en grande partie au Québec son 8e long métrage, l’histoire d’un français qui apprend la mort de son père qu’il n’a pas connu et qui vivait de l’autre côté de l’Atlantique.

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LOUIS-FERDINAND CÉLINE, l’épreuve cinématographique

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Emmanuel Bourdieu est avant tout un homme de lettres. Scénariste chez Desplechin (avec lequel il a signé le savoureux CONTE DE NOËL) mais aussi chez Garcia et Corsini, ses mots ont également animé les planches de théâtre et des centaines de pages de romans. Il était donc logique de le voir s’attaquer au scélérat qu’est devenu avec le temps Louis-Ferdinand Céline.

Il faut déjà préciser que Bourdieu s’est intéressé à un épisode très précis et d’une courte durée dans la vie de l’auteur de VOYAGE AU BOUT DE LA NUIT. Étrangement, il ne signe pas le scénario. Nous le devons plutôt à Marcia Romano, proche de Bourdieu depuis ses débuts,  et qui a coécrit les trois plus récents films de Xavier Giannoli (dont l’excellent À L’ORIGINE). Nous nous retrouvons donc au Danemark en 1948, là où Céline s’est exilé pour fuir les accusations de collaboration avec les Nazis. Un jeune universitaire juif américain, Milton Hindus, vient rejoindre Céline, sa femme Lucette et leur chat Bébert (probablement celui qui s’en tire le mieux dans les interprétations) dans l’optique de rédiger un livre provenant de leurs échanges.

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