LE DÉSERT DES TARTARES, capturer l’histoire

disque-le-desert-des-tartares14

Il y a des films qui deviennent précieux, pour de multiples raisons. Certains parce qu’ils sont précurseurs d’une nouvelle technique cinématographique (que l’on pense à THE JAZZ SINGER d’Alan Crosland, premier film parlant) ou un film inachevé d’un cinéaste respecté (L’ENFER d’Henri-Georges Clouzot).  LE DÉSERT DES TARTARES de Valerio Zurlini a lui la particularité d’avoir été tourné dans un lieu unique qui n’existe plus sous sa forme d’origine aujourd’hui. La citadelle de Bam, dans le sud-est de l’Iran, où la majorité des extérieurs du film furent tournés, a malheureusement disparu suite au terrible tremblement de terre qui secoua l’Iran en 2003, et qui a fait plus de 30 000 morts.

Cette gigantesque fortification, constituée d’un mélange de terre et de paille, construite au Ve siècle avant Jésus-Christ et inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2004, demeure en reconstruction depuis plus d’une dizaine d’années. LE DÉSERT DES TARTARES restera pour toujours le plus élogieux des témoignages de ce lieu chargé d’histoire. Et dans ce dernier long métrage de Valerio Zurlini, la citadelle de Bam peut se vanter d’en être le personnage central du récit (les intérieurs ont quant à eux été créés au mythique studio de Cinecittà).

Lire la suite

TUKTUQ, territoire dramatique

Plus de 6 ans après l’intense À L’ORIGINE D’UN CRI, 2017 annonce le grand retour de Robin Aubert derrière la caméra. En attendant les zombies de son film LES AFFAMÉS, qui feront leur apparition quelque part à l’automne, voici TUKTUQ, 2e volet de la PENTALOGIE DES CONTINENTS débutée en 2009 avec À QUELLE HEURE LE TRAIN POUR NULLE PART.

UN HOMME QUI CRIE, lumière silencieuse

homme_04

Adam, ancien champion de natation d’Afrique centrale, est maître-nageur dans  hôtel de luxe de la capitale tchadienne, Ndjamena. Cette piscine « c’est toute ma vie » dira-t-il et aussi sa fierté, là où tout le monde le surnomme « Champion ». Mais la guerre contre les rebelles est à leurs portes et la crise économique s’invite aussi dans cette histoire où, jusque-là, tout baigne. Mahamat Saleh Haroun poursuit son exploration sans compromis de son pays dans UN HOMME QUI CRIE.

Titre emprunté à l’œuvre poétique CAHIER D’UN RETOUR AU PAYS NATAL du martiniquais Aimé Césaire, Mahamat Saleh Haroun s’en inspire pour raconter la dissolution lente d’un homme droit et exemplaire. Magnifiquement campé par Youssouf Djaoro (déjà présent dans le précédent DARATT du réalisateur tchadien), son personnage d’Adam affrontera l’adversité sans baisser les bras, mais surtout sans jamais baisser la tête. Car son honneur, c’est tout ce qui lui reste.

Lire la suite

COMBAT AU BOUT DE LA NUIT, tendre la caméra

Il n’y a pas une minute de trop parmi les 285 qui composent COMBAT AU BOUT DE LA NUIT, le documentaire fleuve du cinéaste québécois Sylvain L’Espérance. À hauteur d’hommes et de femmes, L’Espérance prouve que le cinéma direct à encore sa pertinence, surtout pour des situations aussi mouvantes que les dernières années en Grèce. Voici ma critique, le poing levé, de cette oeuvre résiliente à LA MATINALE sur les ondes de CIBL 101.5 FM.

LES LIAISONS DANGEREUSES, intentions cruelles

maxresdefault (5)

C’est en 1782 que tout commence sous la plume de Pierre Choderlos de Laclos. Sous forme de correspondances, nous découvrons les échanges entre la marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont, rivaux bourgeois qui se racontent leurs conquêtes respectives, conquêtes qu’ils abandonneront aussitôt, dans le déshonneur d’autrui si possible. Intentions cruelles qu’ils les mèneront, bien entendu, à leur perte. Il ne faut donc pas se surprendre si Roger Vadim, grand séducteur et réalisateur à scandales, s’intéresse à l’adaptation de LES LIAISONS DANGEREUSES. Connu surtout pour son 1er film provocateur, ET DIEU…CRÉA LA FEMME, Vadim réalise pourtant ici son meilleur long métrage.

Lire la suite

MOLOCH ou l’essence du mal

moloch-391554_655x

Perché sur l’un des sommets des alpes bavaroises trône le Berghof, la résidence secondaire d’Adolf Hitler. C’est là, au-dessus des nuages, que nous découvrons une Eva Braun nue, dansant sur l’imposante terrasse qui surplombe le reste du monde. Dans cette première séquence de Moloch d’Alexandre Sokourov, l’aspect intemporel et complètement externe à la guerre nous frappe. Car nous sommes bien en 1942, au cœur de la Deuxième Guerre Mondiale.

Choix audacieux de Sokourov de recréer un épisode négligeable dans la vie du Führer, le réalisateur russe a voulu montrer à travers ces moments de repos du chef nazi et de son entourage (Eva Braun, Goebbels et Bormann, en plus de leur épouse) les esprits dérangés derrière les atrocités commises durant ce conflit majeur. À l’abri des regards dans cette forteresse « flottante », il y aura pourtant très peu de politique débattue et le conflit qui se poursuivait beaucoup plus bas sera évoqué uniquement sous la forme d’actualité cinématographique présenté à Hitler et ses invités. Ce newsreel bien réel détonne de la fiction historique dans laquelle nous sommes plongés, comme si ces moments de vérité devenaient faussés aux yeux des personnages (Hitler ira même jusqu’à dire que le film est incohérent et incomplet). En somme, la guerre n’est qu’un écho lointain pour eux, très loin de Berghof.

Lire la suite

CEUX QUI FONT LES RÉVOLUTIONS…, injecter le réel de fiction

Gagnant du meilleur film canadien au TIFF en septembre dernier, CEUX QUI FONT LES RÉVOLUTIONS À MOITIÉ N’ONT FAIT QUE SE CREUSER UN TOMBEAU de Mathieu Denis & Simon Lavoie s’installe enfin en ville. Brûlot cinématographique d’une audace rarement vue dans notre cinéma québécois, une chose est certaine, le film ne laissera personne indifférent. Voici ma critique à LA MATINALE de CIBL 101.5 FM.

TULPAN, le cinéma de la vie

full (1)

Il y a des films qui viennent nous chercher droit au cœur, autant pour ce qu’il représente que pour ce qu’il dégage. Tulpan, premier long métrage de fiction du réalisateur kazhake Sergey Dvortsevoy, est de cette trempe. Perdue au milieu de nulle part dans ces « steppes de la faim » du nom de Betpak-Dala (désert au centre du Kazakhstan), une yourte résiste aux attaques violentes du vent et de la poussière. C’est dans ce lieu hostile que vivent Asa, sa sœur, son mari et leurs trois enfants.

Asa, de retour de son service militaire, est à la recherche d’une femme pour se marier. Malheureusement, un peu comme Charles, le prince de Galles, Asa a les oreilles très décollées. Et cela gêne la convoitée Tulpan qu’il courtise. Point de départ que ce qui semble être une comédie, le film de Dvortsevoy nous offre un voyage et une destination tout autre.

Lire la suite

Mes 30 meilleurs films de 2016

865828-7393d01332fcd0736a69442568ef2ea305641816jpg

Nous sommes désormais dans la seconde moitié de cette décennie, déjà forte de nombreux films qui ont marqué chaque année depuis le début 2010. Que l’on pense à UN PROPHÈTE de Jacques Audiard en 2010, DRIVE de Nicolas Winding Refn au sommet en 2011, LEVIATHAN de Lucien Castaing-Taylor & Verena Paravel coup de poing de l’année 2012, LA VIE D’ADÈLE – CHAPITRES 1 & 2 d’Abdellatif Kechiche qui domina l’année 2013, l’impressionnant UNDER THE SKIN de Jonathan Glazer en 2014, et le magnifique LA TERRE ET L’OMBRE du colombien César Augusto Acevedo en 2015, en 2016 le cinéma a continué à nous surprendre et à se transformer.

La preuve d’une importante mutation, deux longs métrages parmi mes 30 sélections ne sont même pas sortis sur grand écran, trouvant une niche sur la plateforme Netflix (DIVINES de Houda Benyamina et INTO THE INFERNO de Werner Herzog). Il faudra s’y habituer, le géant américain risque de devenir de plus en plus attirant pour la distribution internationale d’œuvres plus pointues, qui peinent à trouver leur public en salles.

into-the-inferno

Lire la suite

LE MÉTÉORE, oeuvre libre

Le_meteore

Tel un réel météore traversant notre stratosphère, le 5e film de François Delisle n’est pas passé inaperçu. À toute vitesse, cet amas de fragments cinématographiques a illuminé les yeux de ceux et celles qui l’ont croisés sur grand écran (prix Luc Perrault/LA PRESSE 2013 du meilleur film québécois selon les critiques de l’AQCC) et remplis leurs oreilles d’une bande son riche et créative. Une œuvre dense et poétique qui tient ensemble grâce à un noyau central fort, utilisant le grand écran comme une toile vierge d’où émane beaucoup plus qu’une simple lumière.

Lire la suite