LE DÉSERT DES TARTARES, capturer l’histoire

disque-le-desert-des-tartares14

Il y a des films qui deviennent précieux, pour de multiples raisons. Certains parce qu’ils sont précurseurs d’une nouvelle technique cinématographique (que l’on pense à THE JAZZ SINGER d’Alan Crosland, premier film parlant) ou un film inachevé d’un cinéaste respecté (L’ENFER d’Henri-Georges Clouzot).  LE DÉSERT DES TARTARES de Valerio Zurlini a lui la particularité d’avoir été tourné dans un lieu unique qui n’existe plus sous sa forme d’origine aujourd’hui. La citadelle de Bam, dans le sud-est de l’Iran, où la majorité des extérieurs du film furent tournés, a malheureusement disparu suite au terrible tremblement de terre qui secoua l’Iran en 2003, et qui a fait plus de 30 000 morts.

Cette gigantesque fortification, constituée d’un mélange de terre et de paille, construite au Ve siècle avant Jésus-Christ et inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2004, demeure en reconstruction depuis plus d’une dizaine d’années. LE DÉSERT DES TARTARES restera pour toujours le plus élogieux des témoignages de ce lieu chargé d’histoire. Et dans ce dernier long métrage de Valerio Zurlini, la citadelle de Bam peut se vanter d’en être le personnage central du récit (les intérieurs ont quant à eux été créés au mythique studio de Cinecittà).

Lire la suite

UN HOMME QUI CRIE, lumière silencieuse

homme_04

Adam, ancien champion de natation d’Afrique centrale, est maître-nageur dans  hôtel de luxe de la capitale tchadienne, Ndjamena. Cette piscine « c’est toute ma vie » dira-t-il et aussi sa fierté, là où tout le monde le surnomme « Champion ». Mais la guerre contre les rebelles est à leurs portes et la crise économique s’invite aussi dans cette histoire où, jusque-là, tout baigne. Mahamat Saleh Haroun poursuit son exploration sans compromis de son pays dans UN HOMME QUI CRIE.

Titre emprunté à l’œuvre poétique CAHIER D’UN RETOUR AU PAYS NATAL du martiniquais Aimé Césaire, Mahamat Saleh Haroun s’en inspire pour raconter la dissolution lente d’un homme droit et exemplaire. Magnifiquement campé par Youssouf Djaoro (déjà présent dans le précédent DARATT du réalisateur tchadien), son personnage d’Adam affrontera l’adversité sans baisser les bras, mais surtout sans jamais baisser la tête. Car son honneur, c’est tout ce qui lui reste.

Lire la suite

LES LIAISONS DANGEREUSES, intentions cruelles

maxresdefault (5)

C’est en 1782 que tout commence sous la plume de Pierre Choderlos de Laclos. Sous forme de correspondances, nous découvrons les échanges entre la marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont, rivaux bourgeois qui se racontent leurs conquêtes respectives, conquêtes qu’ils abandonneront aussitôt, dans le déshonneur d’autrui si possible. Intentions cruelles qu’ils les mèneront, bien entendu, à leur perte. Il ne faut donc pas se surprendre si Roger Vadim, grand séducteur et réalisateur à scandales, s’intéresse à l’adaptation de LES LIAISONS DANGEREUSES. Connu surtout pour son 1er film provocateur, ET DIEU…CRÉA LA FEMME, Vadim réalise pourtant ici son meilleur long métrage.

Lire la suite

MOLOCH ou l’essence du mal

moloch-391554_655x

Perché sur l’un des sommets des alpes bavaroises trône le Berghof, la résidence secondaire d’Adolf Hitler. C’est là, au-dessus des nuages, que nous découvrons une Eva Braun nue, dansant sur l’imposante terrasse qui surplombe le reste du monde. Dans cette première séquence de Moloch d’Alexandre Sokourov, l’aspect intemporel et complètement externe à la guerre nous frappe. Car nous sommes bien en 1942, au cœur de la Deuxième Guerre Mondiale.

Choix audacieux de Sokourov de recréer un épisode négligeable dans la vie du Führer, le réalisateur russe a voulu montrer à travers ces moments de repos du chef nazi et de son entourage (Eva Braun, Goebbels et Bormann, en plus de leur épouse) les esprits dérangés derrière les atrocités commises durant ce conflit majeur. À l’abri des regards dans cette forteresse « flottante », il y aura pourtant très peu de politique débattue et le conflit qui se poursuivait beaucoup plus bas sera évoqué uniquement sous la forme d’actualité cinématographique présenté à Hitler et ses invités. Ce newsreel bien réel détonne de la fiction historique dans laquelle nous sommes plongés, comme si ces moments de vérité devenaient faussés aux yeux des personnages (Hitler ira même jusqu’à dire que le film est incohérent et incomplet). En somme, la guerre n’est qu’un écho lointain pour eux, très loin de Berghof.

Lire la suite

TULPAN, le cinéma de la vie

full (1)

Il y a des films qui viennent nous chercher droit au cœur, autant pour ce qu’il représente que pour ce qu’il dégage. Tulpan, premier long métrage de fiction du réalisateur kazhake Sergey Dvortsevoy, est de cette trempe. Perdue au milieu de nulle part dans ces « steppes de la faim » du nom de Betpak-Dala (désert au centre du Kazakhstan), une yourte résiste aux attaques violentes du vent et de la poussière. C’est dans ce lieu hostile que vivent Asa, sa sœur, son mari et leurs trois enfants.

Asa, de retour de son service militaire, est à la recherche d’une femme pour se marier. Malheureusement, un peu comme Charles, le prince de Galles, Asa a les oreilles très décollées. Et cela gêne la convoitée Tulpan qu’il courtise. Point de départ que ce qui semble être une comédie, le film de Dvortsevoy nous offre un voyage et une destination tout autre.

Lire la suite

LE MÉTÉORE, oeuvre libre

Le_meteore

Tel un réel météore traversant notre stratosphère, le 5e film de François Delisle n’est pas passé inaperçu. À toute vitesse, cet amas de fragments cinématographiques a illuminé les yeux de ceux et celles qui l’ont croisés sur grand écran (prix Luc Perrault/LA PRESSE 2013 du meilleur film québécois selon les critiques de l’AQCC) et remplis leurs oreilles d’une bande son riche et créative. Une œuvre dense et poétique qui tient ensemble grâce à un noyau central fort, utilisant le grand écran comme une toile vierge d’où émane beaucoup plus qu’une simple lumière.

Lire la suite

VOLCAN, terre de glace et de feu

FINE_AND_MELLOW_AND_ZIK_ZAK_FILMWORKS_3

En janvier 1973, une longue fissure de plus d’un kilomètre et demi se forma sur l’île Heimaey, la seule habitée dans l’archipel des îles Vestmann en Islande. Les images spectaculaires de cette éruption volcanique au pied d’un village côtier ouvrent le premier long métrage du réalisateur Rúnar Rúnarsson. De nombreuses résidences furent détruites, provocant l’exode forcé de milliers de personnes vers l’île principale de l’Islande.

Hannes, personnage central de Volcan, est l’un d’eux. Ce pêcheur reconvertit en concierge arrive à sa retraite après 37 ans de loyauté à la même école. Homme dur et froid, tant avec sa femme que ses enfants, sa vie sera bouleversée, et lui transformé, lorsqu’il devra s’occuper de sa conjointe gravement malade. Si cette prémisse vous semble familière par son thème, il serait vraiment injuste de le comparer au film de Michael Haneke Amour. Contrairement à la Palme d’or de 2012 qui met de l’avant un couple, la Louve d’or 2011 du Festival du Nouveau Cinéma s’intéresse davantage à la confrontation d’un vieil homme face à lui-même, de sa plongée au cœur de son cratère intérieur duquel il tentera d’émerger. Et notons aussi qu’il y a 35 ans d’écart entre les deux réalisateurs, détail non négligeable concernant le jeune islandais pour raconter un sujet qui, à première vue, semble si loin de lui.

Lire la suite

LE SALAIRE DE LA PEUR, mettre en scène le danger

salaire-de-la-peur-1953-10-g

Au début du long métrage Le salaire de la peur d’Henri-Georges Clouzot, il y a la vie. À Las Piedras, ville fictive d’Amérique latine, le réalisateur français nous montre comment la population et les migrants allemands, américains et français cohabitent dans ce no man’s land où règnent la chaleur et un chaos contrôlé. Ensuite, il y a la mort, celle que transportent deux duos d’hommes dans leur camion plein de galons de nitroglycérine. Le tout nous donne un long métrage haletant d’un cinéaste au sommet de son art, capable de mettre en scène le danger en le domptant habilement.

Sorti en salles en 1953, Le salaire de la peur remportait alors l’Ours d’or au Festival de Berlin et la Palme d’or du Festival de Cannes (plus précisément le Grand prix du Festival international du film 1953, car la première Palme d’or fut décernée en 1955). Exploit exceptionnel désormais impossible, dû à l’exclusivité de chaque festival, Henri-Georges Clouzot s’attaquait à un grand succès en adaptant le roman du même titre de Georges Arnaud.

Lire la suite

STILL WALKING, une famille comme toutes les autres

Stillwalking2

Chaque famille à son histoire, composée de drames et de bonheurs où tous les membres semblent jouer un rôle aux yeux des autres. Dans le cas des trois générations du clan Yokoyama, c’est pour souligner la mort du fils ainé plusieurs années auparavant qui les pousse à se regrouper tous les ans. Avec une finesse et une grande délicatesse, le réalisateur japonais Hirokazu Kore-Eda compose dans Still Walking un des plus beaux portraits de famille contemporains.

Reprenant des thèmes récurrents dans son œuvre, soient ceux de la cellule familiale mais aussi des répercussions de la mort sur les vivants, Kore-Eda démontre plus que jamais sa maîtrise scénaristique et sa capacité à effacer tout effort de mise en scène. Et pourtant, derrière cette fluidité dans l’histoire et le jeu des comédiens, il y a un réalisateur en plein contrôle qui, tel un chef d’orchestre au sommet de son art, mise tout sur la symphonie.

Lire la suite

LES DÉMONS de Philippe Lesage, second rendez-vous

11223682_890865437667750_1560644999760158397_o

C’est aujourd’hui que sort (enfin) en DVD et VSD l’excellent 1er long métrage de fiction de Philippe Lesage LES DÉMONS. Meilleur film québécois de 2015 selon les critiques de l’AQCC (Association Québécoise des Critiques de Cinéma) et récipiendaire du prix Gilles-Carle (meilleur premier ou deuxième long métrage de fiction) aux derniers Rendez-Vous du Cinéma Québécois, LES DÉMONS avait eu sa première au prestigieux Festival international du film de San Sebastian en Espagne lors de sa 63e édition.

LES DÉMONS raconte les peurs réelles et imaginaires de Félix 10 ans, entouré de sa famille et de ses amis dans sa banlieue qui semble si paisible.

Lire la suite